homélie du 3e dimanche de Pâques. Jn 21
Tandis que les apôtres étaient pour ainsi dire retournés à leur ancienne vie, retournés à la pêche, Jésus vient centrer à nouveau leur vie sur lui. Il le fait tout simplement, en les invitant à manger ce qu’il a préparé pour eux ; et en produisant dans leur vie de pêcheurs des résultats qu’eux-mêmes étaient incapables de produire. C’est ainsi que les apôtres pêchent miraculeusement de gros poissons. Cela me rappelle le jour où Jésus avait appelé Pierre la première fois, lorsqu’il lui avait dit : « désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Les 153 gros poissons représentent tous les peuples de la terre, l’humanité entière vers laquelle les apôtres sont envoyés1.
Jésus n’a rien écrit, mais il a fondé une communauté, une Église. Il lui a donné un rôle bien précis : le faire connaître à tous, lui le Sauveur de tous. Il s’agit pour nous d’être ses témoins, tout en gardant précieusement la mémoire de lui, en fixant toujours soigneusement les yeux sur lui. L’Église n’est pas le club des croyants, elle est la messagère de l’amour de Dieu pour les hommes. C’est en vivant cette mission première qu’elle peut comprendre comment sans cesse se réformer.
Comment Jésus s’y est-il pris pour fonder son Église ? En habituant des hommes et des femmes à vivre avec lui et en les invitant à avoir de nouveaux rapports entre eux à cause de lui. C’est parce que le Christ est présent au milieu de nous que nous pouvons tous nous rassembler ici, alors que nous sommes si différents. Nous ne sommes pas au départ un groupe de gens qui s’apprécient tous, qui se sentent proches, qui se ressemblent. Mais nous apprenons à nous aimer parce que le Seigneur nous rassemble. Au départ nous se serions pas allés boire un verre ensemble, mais voilà que nous partageons la table du Christ. C’est cela l’Église : un groupe de gens fort différents, qui sont ensemble parce que le Christ les attire et les invite à s’aimer les uns les autres. Et nous devons faire attention de toujours vivre cela, de chercher à nous aimer à cause du Christ, même si au départ nous ne nous sentons pas très proches. « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront pour mes disciples », dit Jésus (Jn 13,35).
Dans cette Église, tous n’ont pas le même rôle. Nous découvrons aujourd’hui que Jésus donne à Pierre le rôle d’être berger de ses brebis. Dès le début les chrétiens ont compris que ce rôle de Pierre devait continuer à être assumé. Pierre a donc eu des successeurs. Et les apôtres aussi. Ce sont les évêques et l’évêque de Rome, le pape, qui veille à leur unité. Les évêques ne sont pas les représentants des chrétiens, comme dans une démocratie. Ils sont les délégués du Christ pour garder précieusement la mémoire de lui. Nous n’élisons pas les évêques ni les prêtres, mais nous pouvons les interpeller pour qu’ils soient fidèles au Christ.
À cause de cette mission donnée par Jésus, toutes les analyses sociologiques de l’Église en terme de lutte des pouvoirs, d’affrontement entre progressistes et conservateurs, passent à côté de l’essentiel. Et c’est encore plus fort quand nous regardons ce qui transforme vraiment l’Église : l’action de l’Esprit Saint. Regardez Pierre. Trois fois il renie Jésus, par peur. Puis il y a ce triple pardon de la part de Jésus : m’aimes-tu, au moins un peu ? Alors occupe-toi de mes brebis ! Et voilà que l’homme peureux, par l’Esprit, devient l’apôtre intrépide qui peut dire en pleine face aux membres du Grand conseil : il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ! L’Esprit transforme le cœur des croyants, il permet des choses incroyables dans l’Église, des choses qu’une analyse politique ne peut pas percevoir, et qui sont pourtant les choses essentielles puisqu’elles ont un lien avec la façon dont nous osons annoncer le Christ sans nous laisser dominer par la peur des représailles.
Les apôtres, dans la pêche miraculeuse et l’accueil que Jésus leur fait, ont reçu un fameux encouragement pour témoigner. Le don de l’Esprit a changé leur vie. Comme Pierre et les apôtres nous avons tant besoin d’être transformés intérieurement, pour aimer et témoigner joyeusement. Pour vaincre nos résistance de parler du Christ aux gens qui nous entourent, pour oser partager notre foi, alors que nous ne sommes pas toujours si certains de cette foi, alors que c’est si difficile à dire de nos jours, il nous faut un encouragement. Demandons au Seigneur d’être fortifiés par lui, de voir les signes qu’il nous fait et qui nous donneront de l’audace. Demandons l’Esprit, qui renouvelle tout. C’est Pâques !
Christophe, www.donchristophe.be
1Voir par exemple http://www.bsw.org/Biblica/Vol-90-2009/Encore-Une-Fois-Les-153-Poissons-Jn-21-11/10