homélie de la fête du Saint-Sacrement
C’est étonnant qu’on lise ce récit de la multiplication des pains pour la fête du Saint-Sacrement. Jésus ne donne pas l’eucharistie ds cet événement. Mais après la cène et la passion les apôtres ont dû se rappeler cet épisode, et ils ont dû se dire que ce que Jésus avait fait là pour les 5000 les invitait à ne pas regarder la dernière Cène comme un événement intime. Cela donnait du poids à la demande de Jésus : « faites ceci en mémoire de moi ! » En faisant cela en mémoire de lui les apôtres allaient nourrir les foules comme Jésus l’avait fait. Et ils allaient le faire en leur donnant Jésus lui-même.
Bien que Jésus avait dit aux apôtres « donnez-leur vous-mêmes à manger », c’était bien la puissance de Jésus qui était à l’œuvre, cette puissance qui lui fait produire une tonne de pain pour la foule à partir des maigres 5 pains des apôtres. Aujourd’hui encore nous devons compter non pas sur nos propres forces mais sur la puissance de Jésus. C’est pour cela que dans tous les diocèses du monde, dans les cathédrales et dans beaucoup d’églises, à 17h ce soir les chrétiens du monde entier sont invités à prier dans l’adoration du Saint-Sacrement, de l’hostie consacrée par la messe. L’adoration semble être un moment de passivité, et pourtant c’est le moment où nous comptons sur la visite de Jésus, sur le rayonnement de son amour sur le monde. Nous le faisons parce que nous pensons que Celui qui fut mort sur la croix est aujourd’hui vivant et agissant, non seulement par nous mais aussi directement par lui-même, dans nos cœurs et dans le monde.
Le Christ peut nous nourrir car il vient à nous dans l’amour, et c’est d’amour que nous avons besoin, c’est l’amour qui est notre nourriture essentielle. Par la messe se rend présent pour nous le don que Jésus fait sur la croix. Car la croix n’est pas un événement regrettable à oublier au mieux mais elle est le don d’un amour, de l’amour le plus grand, de Celui qui est le seul juste et qui se donne par amour pour les pécheurs afin qu’ils deviennent justes alors qu’ils ne le sont pas.
Le Christ se donne à nous, il donne sa vie, il se rend présent. La messe n’est pas qu’un souvenir, elle est aussi une action de Dieu. Le Christ souffre-t-il en donnant sa vie aujourd’hui comme il avait souffert sur la croix ? Se donner est une joie. Le Fils est tout don de soi au Père. Ce n’est qu’à cause du péché de celui qui se donne ou de celui qui reçoit qu’il y a souffrance, parce que le don est fait avec réticence, ou qu’il est mal accueilli, mal apprécié. Le Christ se donne joyeusement, mais en même temps il souffre de notre indifférence. Et de se sentir un peu inutile dans cette ville, lui qui a donné sa vie pour tous…
Nous, nous souffrons quand il s’agit de nous donner nous-mêmes car nous pensons que notre bonheur est ailleurs, dans le temps que nous pourrons prendre pour nous, dans nos loisirs, dans ce que nous nous donnons nous-mêmes ou que d’autres nous donnent. Et pourtant, le grand bonheur, la source de la plus grande joie est de se sentir donné pour quelqu’un, quelqu’un qui s’en réjouit et se donne à son tour. C’est ce que nous pouvons vivre dans l’eucharistie. Dans ce sacrifice d’action de grâce où nous donnons de notre temps, de notre attention, de notre cœur en allant à la rencontre du Seigneur et de nos frères. Que le don que le Christ nous fera en échange nous encourage à nous donner à nos frères chaque jour de notre vie.
Abraham a fait don du dixième de ses revenus. C’est une coutume ancienne dans l’Église de donner le dixième de ce qu’on gagne, la dîme. Si chacun se mettait à donner ainsi, cela déploierait des trésors de confiance et d’espérance dans notre monde. Oui, puissions-nous donner ainsi à ceux qui en ont besoin !