homélie du 23e dimanche A, 7 septembre 2014

J’aime{joomplu:149} l’idée popularisée par le pape François que l’Église est un hôpital pour pécheurs plutôt qu’un musée de saints. L’évangile d’aujourd’hui nous montre un des traitements donnés dans cet hôpital. Ou, si vous préférez une autre image, comment le grand corps de l’Église digère-t-il le péché ? On imagine souvent que le péché s’affronte surtout en passant l’éponge, en disant  : ce n’est pas grave, etc. Or ce n’est pas la conception de Jésus. Lui qui pardonne aux pécheurs dit  : « si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute ». C’est une attitude d’interpellation que Jésus nous demande d’avoir les uns pour les autres. Au diable la tentation de dire  : à chacun ses oignons ! Pour Jésus la façon de vivre de mon frère chrétien me concerne.

Avertir le frère, lui dire ce qui à nos yeux ne va pas dans son comportement, nous ne le ferons pas parce qu’il y a quelque chose qui nous dérange chez l’autre. Cela, que chacun cherche plutôt à l’accueillir, par amour, parce que l’autre aussi doit me supporter avec mes défauts, parce que je suis un pécheur et que Dieu est si patient avec moi.

La correction fraternelle s’adresse à l’autre au sujet de ce en quoi il risque de se perdre. « Tu auras gagné ton frère » dit Jésus. Ce que nous cherchons, c’est la réconciliation. Je m’adresse à mon frère parce que je suis inquiet pour lui, parce que je ne veux pas qu’il prenne des chemins de mort. Et parce qu’il est responsable comme moi du témoignage de l’Église. Quand un chrétien se conduit mal, c’est toute l’Église qui en pâtit. C’est pourquoi en dernier ressort la communauté de l’Église a le droit de l’interpeller.

Mais il ne s’agit pas d’abord d’une interpellation par toute l’Église. Jésus propose un démarrage bien plus en douceur. Il ne s’agit pas d’arriver avec des affirmations du genre « l’Église dit que… » Au contraire, Jésus compte sur la capacité de chacun à examiner ses propres actes et à se remettre en question une fois que quelqu’un l’interpelle. C’est une aptitude que nous avons tous à développer  : pouvoir regarder ses actes de l’extérieur, s’observer à l’action et se demander humblement  : est-ce bon ? Est-ce digne de l’être humain, Est-ce le meilleur que je peux donner ? Ainsi nous nous préparons à ce que notre frère vienne nous trouver seul à seul pour nous montrer notre faute, et nous devenons capables de faire de même. Ainsi nous pourrons adresser la parole à un frère : « je voudrais te dire quelque chose… »

La deuxième option que Jésus envisage, c’est quand le frère s’entête. Dans ce cas Jésus propose de l’aborder à plusieurs. Afin qu’il cède devant les quelques uns et l’objectivité qu’ils représentent par leur unanimité. Mais Jésus envisage aussi le cas de celui qui ne veut pas reconnaître son erreur, même devant l’Église unanime, et à qui il faut donner un dernier électrochoc en le considérant comme un non-chrétien, en l’« excommuniant », afin qu’il s’aperçoive enfin de sa mauvaise obstination. La pratique de l’excommunication, qui est fort rare, tient son origine de ce texte. Récemment le pape a excommunié les mafiosi qui refusaient de se convertir. L’excommunication est une « peine médicinale », c’est-à-dire qu’elle ne vise qu’à la guérison du cœur de celui qui l’encourt et non pas à lui faire payer quelque chose. Elle n’est pas le fait de ne pouvoir communier pour telle ou telle raison mais le fait d’être exclu de toute la vie ecclésiale, d’être retranché du corps du Christ jusqu’à nouvel ordre. L’excommunié n’est pas pour autant déclaré damné, il est « remis entre les mains de Dieu ».

Revenons à la correction fraternelle. Comment la pratiquer ? Jamais dans l’intention de préserver l’ordre établi mais pour que l’Évangile soit accessible à tous. Admonester avec amour dira-t-on… Mais comment démasquer les simulacres de l’amour ? En adoptant le regard de Dieu sur l’autre, un regard qui d’abord s’émerveille, se réjouit que l’autre existe (l’autre n’est pas d’abord un problème ! !) Un regard qui croit en l’autre dans la mesure où il ne se décourage jamais, où il sait qu’il y a des ressources cachées en l’autre. Alors nous pourrons vraiment être une Église qui se secoue les puces.