homélie du 12e dimanche B, 21 juin 2015
« Maître, nous{joomplu:414} sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Ce qui est arrivé aux apôtres embarqués avec Jésus sur la mer de Galilée est emblématique de la vie de foi. La vie nous conduit parfois dans une situation dramatique où nous nous disons : nous sommes perdus. Nous voilà jetés dans le désarroi, avec le sentiment que Dieu n’est plus là ou qu’il ne fait rien. Parfois c’est un événement qui survient, parfois c’est plutôt la lassitude, le doute, la perte de sens. Ça arrive dans la vie d’un prête ou d’une religieuse et c’est spécialement douloureux car ils ont tout misé sur Dieu. Ça arrive dans toute vie, un jour ou l’autre, plus ou moins fort.
Les apôtres concluent qu’ils sont perdus alors qu’ils sont avec Jésus et qu’ils ont déjà vu souvent son pouvoir sur les maladies et sur le péché. Soudain ils se disent que leur confiance en Jésus les a conduit dans l’impasse. Ils sont avec Jésus mais Dieu paraît absent. Cet évangile s’est passé pour nous apprendre que l’épreuve du Dieu indifférent, du Dieu qui paraît absent, est normale. Ce n’est pas à cause de Dieu qu’il nous faut passer par là, mais c’est à cause de la situation de la création et de l’humanité blessée par le péché. La création chante la grandeur de Dieu mais peut aussi nous menacer. Et l’homme qui est fait pour vivre dans l’amitié de Dieu s’égare facilement loin de ce lien vivant pour entrer dans une distance du cœur qui l’empêche de comprendre. Alors il se sent désemparé par les événements, et il se sent aussi seul, alors qu’il ne l’est pas.
C’est important de savoir que le chemin de la foi passe par là. Quand on lit dans la Bible des choses comme « Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour » (Ps 33,18), on ne s’attend pas à avoir des épreuves. Si des difficultés surviennent, on se dit que c’est une parenthèse, une sorte d’acte manqué de la part de Dieu. Ou bien petit à petit on se met à penser que Dieu n’est d’aucun secours dans la vie même s’il existe. Et puis on finit par se dire que c’est peut-être pas si sûr qu’il existe, d’autant plus que peu de gens autour de nous font attention à lui. Il y a là tout un processus de découragement du croyant parce qu’il n’a pas pris la mesure d’une autre partie de l’Évangile : le chemin de la foi et de la présence de Dieu comporte des difficultés, et ces difficultés ne veulent pas dire que Dieu est absent ou qu’il a les bras trop courts pour nous aider.
Cela vaut individuellement, mais aussi pour l’Église dans sa marche à travers l’histoire. Il y a pour l’Église des temps d’épreuve, comme au temps des invasions barbares ou de la révolution française, ou comme à notre temps, où on se demande : que fait Dieu ? Et où ceux du dehors disent volontiers comme dans le psaume : où est-il ton Dieu ? (Ps 42,4) Nous risquerions même de nous replier, de ne plus rendre à la société le service de notre amour de l’humanité et de notre connaissance de l’être humain et de sa dignité. Il ne faudrait pas que cela arrive.
Que faire alors ? Comment persévérer, comme l’ont fait ceux que nous fêtons aujourd’hui ? Une grande règle de spiritualité est que dans la désolation il ne faut pas prendre de décisions, car elles seraient sûrement dictées par la peur, la crainte du lendemain, le découragement, le manque. C’est important de tenir le cap, dans la confiance. S’en tenir à ce qui était notre direction à l’époque où tout était clair et joyeux. Et attendre, en criant vers le Seigneur : cela ne te fait rien, nous périssons ! Mais surtout ne pas lâcher du lest et risquer de jeter le Seigneur par dessus bord ! Il y a une certaine obstination dans la foi et dans la pratique de la foi qu’il est bon de retrouver, surtout en cette époque qui se cherche. Confiance, Dieu est là ! Il ne manquera pas de nous réjouir par sa présence et sa gloire.