homélie du 11e dimanche B
On peut se demander{joomplu:44} où va le monde et quelles sont les forces qui l’entraînent. Chacun essaie d’organiser sa vie selon les valeurs qui lui paraissent les meilleures. C’est le mieux lorsque ces valeurs sont celles qui viennent de l’Évangile. Mais nos sociétés, le monde en général, se laissent-ils guider par ces valeurs ? Devant le pouvoir de l’argent, de la vanité, de l’exploitation sexuelle, les valeurs de l’Évangile semblent bien petites et bien peu efficaces.
C’est alors que nous découvrons comment Dieu compte agir. Son Royaume est comme la plus petite des semences, qui finit par donner un abri à tous les oiseaux du ciel. Cette image, Jésus la prend non seulement dans ce qu’il a observé chez les jardiniers de Palestine mais aussi chez le prophète Ézéchiel qui annonce ce que Dieu compte faire : du milieu des arbres orgueilleux représentant les souverains de l’époque il va prendre une toute jeune tige pour en faire le cèdre où tous les oiseaux pourront habiter. Cette tige nouvelle, nous y reconnaissons le Christ Jésus, le fils de David, le souverain des rois de la terre (Ap 1,5).
Aujourd’hui encore Jésus paraît insignifiant, et nous souffrons parfois de compter si peu dans la société. Et dans notre propre vie nous préférons spontanément mettre notre confiance dans nos économies, nos relations ou nos diplômes plutôt que dans le chemin que Dieu veut faire avec nous pour nous faire porter du fruit. Au point que nous oublions facilement de porter du fruit pour Dieu et nous consacrons surtout à porter du fruit pour nos propres vies. Dans la vie de l’Église aussi il y a le risque d’oublier que c’est Dieu qui assure la croissance du Royaume. On met son espoir dans des solutions humaines, on croit que la solution vient des nouvelles structures, et on se met à attraper la réformite si répandue dans l’enseignement et dans les autres domaines de la société. Il y a le risque de créer des plans pastoraux où on oublie les lois de la germination évangélique pour se fier plutôt aux plantes artificielles des structures solides et vides. Il y a le risque d’adapter l’Église pour qu’elle fonctionne comme le reste de la société et que son message ne soit plus trop particulier et étranger à nos contemporains. Tout cela est étranger à la mentalité du Christ et à l’œuvre de Dieu.
Alors, quelle est la sève qui permet à la petite graine du Royaume de grandir, de porter du fruit sans qu’on sache humainement comment ? C’est le Saint Esprit, c’est la sève de Dieu, sa vie qui voudrait bien couler en nous si optons pour cette ressource plutôt que nos calculs et nos plans. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de projets raisonnables, mais justement il est raisonnable de compter d’abord sur la force de l’Esprit, sur sa façon inimitable d’ouvrir les cœurs, de relever les personnes, de suggérer des solutions qui dépassent nos espérances parce que c’est Dieu qui s’en mêle.
Et quelle est cette petite semence qui ne ressemble à rien face à tout ce qui est prometteur dans le monde d’aujourd’hui ? La réponse est multiple. C’est par exemple la prière. Pas la prière avec de belles phrases et de belles idées, mais la prière du pauvre, celle où on dit seulement : Seigneur, sauve-nous ! Seigneur, loué sois-tu ! C’est la confiance dans la Providence, qui nous permet de prendre des risques pour l’amour et de chercher d’abord le Royaume des cieux, parce que nous ne nous épuisons pas à tout construire nous-mêmes selon nos calculs. Et c’est aussi le célibat consacré, ce petit moyen qui passe souvent pour une épine dans le pied de l’Église et qui pourtant est son trésor car il est une des fenêtres par lesquelles l’Église s’ouvre au Saint-Esprit et l’appelle. Puis, c’est parler de l’amour de Dieu, sans même en avoir une démonstration, sans même pouvoir répondre efficacement à ceux qui disent que le mal dans le monde prouve que cet amour de Dieu est vain. Dire : nous pouvons croire que Dieu nous aime, c’est planter la semence du Royaume et laisser Dieu la faire pousser, laisser l’Esprit Saint être le messager de cette bonne nouvelle esquissée.
Je vous laisse encore trouver dans vos vies des démarches où la plupart des gens diraient : mais ça n’en vaut pas la peine, c’est dépassé, mais que nous voyons certifiées par la vie des saints et par celle du Seigneur Jésus. Bonne route en n’ayant que les moyens du Royaume !