homélie du 15e dimanche C, 10 juillet 2016

On connaît bien ce texte{joomplu:20}, il est devenu un des classiques de l’enseignement chrétien. Et de la même manière qu’un autre classique, l’enseignement de Jésus sur le mariage indissoluble, cette intervention de Jésus a lieu à une occasion pénible : un docteur de la loi se lève pour mettre Jésus à l’épreuve.

Mettre Jésus à l’épreuve, cela peut être motivé par le désir de le dénigrer, de le couvrir de ridicule. Mais cela peut venir aussi d’une recherche honnête : ce que Jésus dit résiste-t-il à la difficulté? Jésus est-il cohérent? Son enseignement est-il solide? En ce sens, je vous invite tous à mettre Jésus à l’épreuve et à l’écouter parler.

L’écouter parler, avec ses enseignements et aussi avec sa vie. Le docteur de la loi va entendre la parabole du bon samaritain, et ensuite il verra comment Jésus lui-même est ce bon samaritain qui se penche sur l’homme blessé et paie de sa personne pour le soigner. Nous mêmes, si nous sommes tenus d’imiter le samaritain, c’est en définitive parce que le Christ a agi ainsi envers nous.

Le Christ voit l’humanité blessée sur le bord du chemin. Il comprend que ses blessures sont graves. Car ce n’est pas seulement un peu d’injustice et d’égoïsme, un peu d’égarement et de courte vue qui frappe l’humanité. Mais le péché lui fait perdre cœur. Les injustices que des hommes et des femmes vivent dans de nombreux pays sont tout simplement monstrueuses, et elles les jettent sur les routes, à travers les mers et les déserts, pour tenter de trouver une terre hospitalière. Pendant ce temps, l’Occident refuse de voir ce problème et on milite surtout pour avoir le droit de refuser une place à celui qui est considéré comme un déchet parce qu’il n’a pas été voulu ou qu’il n’est plus capable de s’assumer de façon autonome. Au jubilé des personnes handicapées, le pape François disait il y a un mois : «On considère qu’une personne malade ou portant un handicap ne peut pas être heureuse, parce qu’elle est incapable de mener le style de vie imposé par la culture du plaisir et du divertissement.» (homélie le 12 juin 2016) Cette culture nous trouble le regard, nous pousse à nous battre plus sûrement pour les bébés ours blanc que pour les embryons humains, nous fait penser que le problème des réfugiés va se régler en renforçant les frontières, et finalement nous rend de moins en moins humains.

Le Christ voit tout cela. Alors il vient prendre l’homme blessé sur ses épaules, et il lui dit : veux-tu guérir de la dureté de ton cœur? Sûrement, beaucoup disent : non, je ne veux pas guérir, ça m’est égal de devenir moins humain si je peux faire ce que je veux. Mais d’autres veulent commencer un autre monde, et ils se laissent conduire par le Christ à l’hôtellerie de l’Église pour être restaurés par les sacrements, pour devenir capables d’aimer comme le Christ. Lui devra donner sa vie pour réaliser cela, et le docteur de la loi le verra, il saura que Jésus est digne de confiance, lui qui va jusqu’au bout de l’amour qu’il demande.

Il y a encore quelque chose à dire sur la qualité de l’amour qui est en jeu ici. Jésus raconte à un juif bien pensant qu’un samaritain agit mieux qu’un prêtre et qu’un lévite. Or le samaritain, pour un juif, c’est un faux-frère, un opportuniste, un traître. Cet homme, dans le récit de Jésus, est capable de se faire le prochain de l’homme abandonné. Comme cela devait piquer au vif le docteur de la loi! Comme cela devait en retour le mettre à l’épreuve! Et nous, heureux sommes-nous si nous voyons quelqu’un faire preuve de plus de charité que nous, surtout s’il n’est pas de notre bord, et que nous en tirions comme conclusion de l’imiter. Il n’y a pas d’amour trop généreux.