{joomplu:22}Aujourd’hui il y a beaucoup de propositions de méditation de toutes sortes où l’homme apprend à se mettre au centre de son attention. Il y a là une joie de découvrir les richesses de son propre être, mais assez vite on butte aussi devant sa pauvreté et un vide qui fait peur. C’est normal, nous sommes si limités, et en plus nous sommes blessés et pécheurs (c’est-à-dire que nous faisons le mal en y mettant une part de volonté). La joie de se découvrir soi-même ne peut durer que lorsqu’elle devient action de grâce envers Dieu qui nous a créés à son image. Ces richesses que nous apercevons en nous sont le cadeau d’amour qu’il nous a fait et qu’il renouvelle jour après jour. La vraie vie spirituelle est une mise en œuvre de cette révélation de Dieu à son peuple : « Écoute la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements… Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »
Le début de la phrase nous arrache peut-être une moue. Nous n’aimons pas des commandements qui viennent de l’extérieur, un Dieu qui imposerait des choses à des hommes qui n’ont qu’à obéir. C’est en partie à cause de notre orgueil que nous réagissons comme cela — et cette partie d’orgueil doit être combattue pour accéder à la joie profonde. Mais c’est en partie aussi à cause de notre désir d’être rejoints au plus profond de nous-mêmes et de ne pas être guidés par un Dieu qui ne tiendrait pas compte de ce que nous sommes. C’est le moment d’écouter la suite de ce que Dieu dit : cette Parole est dans ta bouche et dans ton cœur. Ce que Dieu dit et qui semble s’imposer de l’extérieur, c’est ce qui est aussi au plus profond de nous, dans notre cœur, et que nous pouvons partager par notre bouche.
Alors nous pouvons dire : « parle, Seigneur, ton serviteur, ta servante écoute ! » « Révèle-moi ce que tu as déjà déposé au fond de moi parce que tu m’aimes et que tu ne veux pas m’abandonner à l’arbitraire de mes pulsions ou de ce que les autres produisent en moi. » Quand elle est reçue avec un cœur humble et aimant, la loi de Dieu n’est plus contrainte menaçante, mais libération et consolation. Elle correspond à ce que nous sommes, même si certaines apparences tenaces nous font penser le contraire. Heureux l’homme qui accueille en son cœur les commandements du Seigneur ! C’est ainsi qu’il s’épanouira vraiment, c’est ainsi que le vide creusé en lui par le mal cessera de l’étourdir, c’est ainsi qu’il changera le monde en profondeur.
Devant les commandements de Dieu — résumés ici par le scribe de l’évangile : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même » — il y a trois attitudes possible. La première ne se trouve pas dans le récit, c’est de rejeter ce que Dieu demande, pour n’en faire qu’à sa tête. La seconde, c’est une observation formelle. Observer la loi sans y mettre son cœur, se contenter de pouvoir cocher des cases dans une liste de règles1. La troisième manière de se situer devant les commandements, c’est d’accueillir dans son cœur la volonté de Dieu. C’est ainsi qu’elle porte du fruit et permet d’inventer de nouveaux chemins pour donner de l’amour, pour se donner soi-même.
Vous avez reconnu facilement les protagonistes de cette parabole du bon samaritain. Lui seul a laissé son cœur disponible à la volonté de Dieu. Lui seul a su bouleverser ses plans de confort pour faire de la place à ce blessé qui faisait irruption dans sa vie. Seigneur, donne-nous d’accueillir ta volonté au plus profond de nous-mêmes, pour être enrichis de ta vie et de ton amour, pour créer le monde de demain.
1Peut-être le prêtre et le lévite cherchaient-ils à observer la loi en pouvant s’assurer de rester pur avant un service au temple. Nous avons aussi nos manières d’endormir notre conscience.
homélie du 15e dimanche C, 14 juillet 2019