homélie du 12e dimanche B, 20 juin 2021
{joomplu:558}L’Écriture aujourd’hui nous montre Dieu maître des éléments naturels. Je voudrais méditer sur sa puissance. Nous n’osons plus y penser, nous préférons croire Dieu impuissant que d’accepter son apparent silence devant les catastrophes d’aujourd’hui. Nous réagissons ainsi parce que nous n’avons plus aucune « crainte » de Dieu. Alors nous n’acceptons pas qu’il agisse autrement que selon nos standards.
Une autre voie est possible, celle tracée par Job. Du fond de son malheur, il commence par apostropher Dieu. « Pourquoi Dieu donne-t-il la lumière à un malheureux ? » (3,20). Si je n’ai pas mal agi, pourquoi tout ceci ? Que Dieu me réponde ! Et finalement, au trente-huitième chapitre, Dieu répond et dit : « Qui est-il celui qui obscurcit mes plans par des propos dénués de sens ? » « Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? »… Est-ce toi qui a retenu la mer et lui a imposé sa limite ? « As-tu une seule fois dans ta vie donné des ordres au matin ? » Alors Job répond : « je mets la main devant ma bouche » (40,4) « J’ai parlé sans comprendre tes plans » (42,3), « c’est par ouï-dire que je te connaissais. »
Job a appris que l’action de Dieu dépasse ce qui est normal et légitime. Nous sommes petits devant lui, et c’est en le reconnaissant que nous bénéficierons de sa grandeur, et nos yeux en seront un jour émerveillés. Par contre, celui qui limite Dieu à ce qu’il trouve normal de penser de lui ne connaîtra jamais son action. C’est ce que s’apprêtent à vivre les apôtres, qui sont dans la tempête au milieu du lac. Au début, ils laissent Jésus dormir. Après tout, les marins-pêcheurs, ce sont eux, Pierre, André, Jacques et Jean. Ce sont eux qui savent comment on mène un bateau par tous les temps. On ne doit quand même pas demander à un charpentier, fût-il Fils de Dieu, comment on conduit une grosse barque de pêche ! Mais vient le moment où ils sont complètement dépassés. Et c’est alors, alors seulement, qu’ils réveillent Jésus. Ils n’attendaient rien de lui. Sauf quand c’est le désastre et que la barque se remplit : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
Alors, enfin, ils peuvent découvrir la puissance de Dieu. « Qui est donc celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4,41) Tant qu’on sait comment Dieu devrait agir, alors on ne le voit pas agir. Mais lorsqu’on accepte de ne plus savoir et d’être perdus, notre cœur et notre intelligence s’ouvrent à son action et nous découvrons que nous ne sommes pas seuls. Lorsque nous acceptons que les choses ne doivent pas aller comme nous l’estimons juste, nous retrouvons la complicité avec Dieu qui est plus grand que l’univers et dont la justice dépasse notre justice. Cette complicité nous apaise, et elle nous permet de construire un nouvel avenir, non plus seuls mais avec notre Père du ciel, jusqu’à la vie éternelle.
Ce chemin de la confiance n’est pas une autoroute au-dessus des souffrances et des épreuves de la vie, comme on voit de ces autoroutes sur viaduc qui surplombent les embouteillages de la ville. Nous rêvons tous de telles autoroutes, et quand nous pensons à la puissance de Dieu, c’est pour imaginer qu’il nous aiderait à en construire. Mais Dieu vient humblement marcher avec nous dans nos embouteillages quotidiens. Si nous nous confions à sa puissance nous trouverons un chemin de vie pour nous et pour tant d’autres personnes.
L’Église a, au cours de l’histoire, trouvé de tels chemins de vie pour les peuples où elle était accueillie. Elle l’a fait lorsqu’elle croyait en Dieu, lorsqu’elle pensait que rien n’est impossible à celui qui croit. De nos jours, la barque de l’Église est dans une tempête qui peut nous effrayer. Nous sommes alors tentés d’oublier que c’est l’Église de Jésus et nous nous mettons à souhaiter des réformes sous forme d’adaptations humaines, qui, finalement, sont tout simplement dans le sens de l’esprit du monde. Un peu comme si dans la tempête les apôtres avaient abattu le mât pour en faire des hausses aux bords de la barque. Au cardinal Marx qui lui présentait sa démission, le pape a proposé une autre voie : « la crise, dit-il, doit être assumée à la lumière de notre foi pascale. Les sociologismes et les psychologismes sont inutiles… La réforme dans l’Église a été faite par des hommes et des femmes qui n’ont pas eu peur d’entrer en crise et de se laisser réformer par le Seigneur… Nous serons sauvés en ouvrant la porte à Celui qui peut le faire et en disant : “j’ai péché”, “nous avons péché”… et en pleurant… Et alors nous ressentirons cette honte qui guérit et qui ouvre les portes à la compassion et à la tendresse du Seigneur qui est toujours proche de nous. »1
Cette démarche, faisons-la aussi dans nos vies. Demandons pardon pour nos manques de foi dans la puissance de Dieu, pleurons, laissons-nous guérir par sa tendresse, et il renouvellera lui-même notre foi, notre espérance, notre charité.