homélie du 19e dimanche B, 8 août 2021
{joomplu:526}Comment aider ceux qui nous entourent ou ceux que nous rencontrons à entrer dans la foi ? Comment grandir nous-mêmes dans la connaissance de Jésus et l’attachement à sa personne ? Le dialogue du Seigneur avec les habitants de Capharnaüm peut nous éclairer. Jésus vient de dévoiler un peu de son identité : « moi, je suis le pain qui est descendu du ciel ». Mais les gens ne sont pas prêts à accueillir cela et ils refusent. Ils disent : tu es quelqu’un de bien, nous apprécions tes enseignements — ne sommes-nous pas là pour t’écouter ? —, mais nous connaissons bien aussi ton père et ta mère… sous-entendu : nous ne voulons pas te prendre pour plus qu’un homme.
De nos jours également, il y a de pareilles difficultés à accueillir Jésus pour qui il est. Nous les voyons autour de nous. Bien des gens cherchent l’un ou l’autre sage inspirateur de leur vision de la vie, de leur envie d’un monde meilleur, mais ils ne sont pas prêts à dire : Jésus est le Seigneur, le Fils de Dieu venu dans le monde, et je fais de lui le centre de ma vie. En nous également, il peut y avoir certains blocages par rapport à Jésus.
Certains théologiens ou prêtres, dans un effort louable de rencontrer ceux qui ont du mal avec Jésus tel qu’il s’est présenté, adaptent l’Évangile aux étroitesses du monde, font un peu le ménage en écartant les miracles, surtout les plus gênants, en transformant la résurrection en un principe universel de vie plus forte que la mort, et en taxant d’héritage du passé tout ce qui fait obstacle à un évangile raisonnable, philanthropique, tolérant comme on dit. Ce sont de bonnes personnes qui font cela, elles ont envie de faire accepter Jésus car il est important pour elles. Mais c’est un Jésus tellement amputé, tellement camisolé, tellement mis en boîte !
Ne prenons pas ce chemin. Ne cherchons pas à rendre Jésus acceptable, raisonnable, poli, plaisant. Devant le constat de son échec à se faire reconnaître par les gens de Capharnaüm, Jésus dit : « personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire… Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. » (Jn 6,44-45). Autrement dit, reconnaître Jésus et l’accueillir tel qu’il est ne peut se faire que de l’intérieur, lorsqu’on se laisse animer par le Père du ciel. Jésus n’est pas de l’ordre des sages qui ont émaillé les civilisations humaines. Il vient de Dieu et c’est Dieu qui le fait aimer.
Mais comment faire pour se laisser instruire par le Père ? Jésus souligne bien le problème : « personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. » (v.46) C’est lui, Jésus, qui seul peut nous brancher sur le Père. Mais pour le connaître, il faut le Père. Ah, comment sortir de ce cercle, ou plutôt y entrer, comment se laisser instruire par le Père pour venir à Jésus, alors que Jésus seul a vu le Père ? Pas étonnant que si peu aient la foi, si Jésus seul nous fait connaître le Père et que cet accès au Père est nécessaire pour connaître Jésus ! Et pourtant, lorsque nous avons goûté un peu de cette joie de connaître Dieu, d’être ami de Jésus, d’être enfant du Père, de pressentir sa gloire, de sentir la vie éternelle déjà commencée en nous, nous voudrions tant y conduire ceux que nous aimons.
Le chemin, me semble-t-il, est souvent celui qui nous rend mendiant de l’amour de Dieu. Lorsque nous souffrons, nous commençons à laisser de la place en nous pour un sauveur, et cela peut être Le Sauveur, le Seigneur Jésus. Tant que tout va bien, nous regardons Dieu de haut pour le jauger, le juger même, avec un filtre en main pour ne prendre de lui que ce qui nous convient. Alors, finalement, heureux ceux qui se retrouvent dans la situation d’Élie au désert, noyé dans le désespoir au point de dire : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » (1 R 19,4) À ce moment-là, l’homme pourrait entendre un ange lui dire : va vers ton Dieu, accepte tout de lui, laisse-toi saisir et conduire… Laisse-toi aimer d’abord, entre dans cette dépendance qui sera ta vie, qui sera Sa vie en toi.