homélie du 2e dimanche C, 16 janvier 2022
{joomplu:99} En ces lendemains de Noël, alors que nous assistons au début de la vie publique de Jésus, nous voilà au bon moment pour nous demander ce que la foi chrétienne change à la vie humaine. Qu’est-ce que Jésus le Fils de Dieu est venu apporter de si neuf ? Si je voulais donner une direction générale à mon propos, je dirais qu’il offre un rapport nouveau avec l’Être supérieur que l’on appelle Dieu.
Dans toutes les civilisations anciennes on a essayé d’établir de bonnes relations avec des puissances transcendantes. On offrait des sacrifices au Soleil ou à la Lune divinisés, ou d’autres choses semblables.
Mais voilà qu’avec le judaïsme les rapports avec l’Être divin changent et commencent à prendre la forme d’une alliance, une alliance dont la meilleure image est le lien entre l’époux et l’épouse. Voilà Jérusalem devenue l’Épousée, voilà Dieu qui se présente comme un Époux. « Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu », conclut la lecture d’Isaïe (Is 62,5).
Une telle alliance va beaucoup plus loin que la bonne entente recherchée dans les anciennes religions. Elle apporte plus, mais engage aussi davantage. Elle fait sortir résolument du cadre marchand dans lequel la religiosité naturelle nous entraîne constamment. Car encore de nos jours, comme il est spontané d’avoir avec Dieu un rapport marchand ! Au contraire, c’est d’une relation d’amour dont rêve notre Seigneur ; et une relation où nous serons de vrais partenaires, où nous serons rendus capables de lui rendre amour pour amour.
Comment cela va-t-il se faire ? Pourrons-nous un jour entrer dans une véritable alliance avec Dieu, nous qui vivons si souvent repliés dans notre petit monde ? En effet, à bien y regarder, nous ne sommes pas tellement disponibles pour une alliance. Dans la course de nos priorités, on dirait que tout court plus vite que la recherche de l’amitié avec le Seigneur. Si bien que c’est souvent à cause d’une rupture dans le flot de notre vie qu’une place peut enfin venir pour le Dieu vivant. Comme dans cette fête de mariage où le Seigneur est là, invité parmi les autres. Tout à coup, son rôle devient décisif, quand il n’y a plus de vin ; autrement dit, quand on ne parvient plus à vivre par soi-même, quand nos moyens humains de se donner la joie et le sens de la vie sont mis en échec.
Aujourd’hui encore, c’est souvent à cause des épreuves que l’homme se tourne vers Dieu et accepte de lui faire enfin une place ; et non plus une petite place au milieu de tout le reste, mais la meilleure place, la priorité au-dessus de toutes les autres priorités. Que découvrons-nous alors quand nous faisons cela ? Que Jésus change notre eau en vin. Et pas seulement un peu de vin ordinaire, mais le meilleur vin en abondance. La joie que les épreuves nous avaient ôtée, la voilà qui nous revient, et nous ne risquons plus d’en manquer. Celui qui découvre la joie spirituelle, la joie que donne l’assurance de l’amour de Dieu posé sur nous, celui-là possède la source de la joie, pour toujours. Il n’aura qu’à y revenir toutes les fois où il s’en sera séparé.
À Cana, lors de noces, Jésus change l’eau en vin ; il le fait le « troisième jour », comme le précise saint Jean ; et par là il annonce la joie qu’il apportera au monde en donnant sa vie, en versant le sang de l’alliance et en étant relevé d’entre les morts le troisième jour. Il a donné sa vie en un repas où il a fait l’offrande du vin de l’alliance nouvelle et éternelle, ce vin dont il a dit qu’il serait son sang versé pour nous et pour la multitude. Dans l’eucharistie, nous vivons chaque fois cet émouvant témoignage de la proximité amoureuse du Seigneur. Le Fils de Dieu est là, il nous invite à un repas où il se donne lui-même. Ce sont les noces de l’Agneau de Dieu, l’union du Christ avec son Église. Dans une nouvelle traduction de la messe, que nous utiliserons à partir du carême, on dit : « heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ». Oui, heureuse l’humanité qui peut maintenant savoir à quel point Celui par qui tout a été fait se donne à elle !