homélie du 13e dimanche ordinaire, 26 juin 2022
{joomplu:183} Qu’est-ce qu’un chrétien ? C’est l’homme le plus libre que la terre ait jamais porté ! Et pourquoi est-il libre ? Parce qu’il s’est laissé libérer par le Christ. C’est saint Paul qui le dit, et j’aimerais réfléchir un peu avec vous sur ce point. Nous vivons dans une culture qui se laisse facilement dominer par la peur. En temps normal on joue à se faire peur avec toute sorte de films ou de séries-catastrophes, mais il suffit que survienne un sujet vraiment inquiétant et nous voilà prêts à chercher à nous rassurer par tous les moyens. Nous avons vu des scènes de panique, nous en verrons encore… D’autres, animés par la peur, deviennent avares, refusent de partager avec leur prochain dans le besoin… D’autres encore entrent dans une frénésie de fêtes et de plaisirs… Toutes sortes d’attitudes qui révèlent un cœur d’esclave. Entre-temps, le chrétien est l’homme le plus libre que la terre ait porté, parce qu’il sait qu’il va mourir, mais que ce n’est pas si grave, puisque le Christ l’a devancé et que sa vie est déjà cachée avec le Christ en Dieu.
Enfin, vous me direz que je vais un peu vite, que ce n’est pas si simple. Mais en réalité, quelle paix et quel bonheur pour nous si nous parvenons à regarder notre vie ainsi ! Si nous sommes jeunes, nous sommes inquiets de parvenir à réussir notre vie. Quelle paix si nous pouvons nous dire : avec Jésus ma vie est déjà réussie, elle brille déjà comme un diamant par ma foi et par mon amour du Seigneur et des autres ! Alors bien sûr, il faudra se battre, avancer dans des études, trouver une épouse ou un mari qui nous aidera à avancer toujours plus loin, à moins que nous ne choisissions de nous donner tout entier au Seigneur… Il faudra trouver un chouette métier, où nous pourrons donner le meilleur de nous-mêmes, apporter quelque chose de chouette au monde. Tout ça est un fameux défi, mais les yeux fixés sur Jésus vous y parviendrez, et vous vous relèverez si jamais vous vous êtes égarés un moment. « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint » (Ga 5,16), et vous ne devrez plus chercher des petites compensations dans la vie, car votre vie sera un grand chant d’amour.
Si nous sommes plus âgés, nous pouvons nous demander : à quoi j’ai passé ma vie jusqu’à maintenant ? Mais il n’est jamais trop tard pour mettre en pratique ce conseil de saint Paul : « mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. » (Ga 5,13). Vous pouvez être sûrs que le Seigneur fera fructifier tout ce que vous ferez par amour, même si pour le moment vous n’en voyez pas beaucoup l’effet. Et pour ceux qui sont plus âgés, le moment de la victoire s’approche, le moment où on peut dire au Seigneur : à nous deux, toi que j’ai suivi, toi que j’ai aimé, toi qui ne veux pas me faire des reproches mais qui veux que je te regarde de plus en plus… Qui veux que je te regarde sans regarder en arrière, sans m’apitoyer sur moi-même, sans croire que le bon temps est passé. Je viens vers toi !
Pour terminer, je voudrais vous faire une petite confidence. Dans 3 jours je fêterai mes 25 ans d’ordination. Quand j’ai eu 10 ans d’ordination j’ai fait une grande fête, car je voulais célébrer le fait que oui, c’était encore possible d’être prêtre dans le monde d’aujourd’hui. Maintenant, à 25 ans, je voudrais d’abord célébrer la fidélité du Seigneur, car je sens qu’il m’a beaucoup porté, en illuminant mon cœur de sa présence, et en me faisant souvent sentir qu’il est la vérité du monde et de toute vie humaine. Et aussi en me réclamant à lui lorsque mon cœur se laissait un peu aller. Une phrase m’a beaucoup guidé dans les moments de combat, les moments où on croit que l’herbe est plus verte dans le pré d’à côté : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » (Lc 9,62) Parfois je me suis donné quelques baffes en me disant : arrête de regarder en arrière, de penser à ce que tu aurais pu faire et vivre d’autre. Il faut parfois faire ça quand on s’est engagé tout entier dans un chemin, la vie consacrée, le sacerdoce ou le mariage. C’est normal de devoir se contraindre à aimer, et spécialement à aimer quand on ne le sent plus. C’est comme ça que se réalise le Royaume de Dieu, la victoire de l’amour. C’est comme ça que la lumière de Dieu dépasse dans nos vies les lumières bling bling et que notre bonheur sent déjà bon le parfum de la splendeur éternelle. Alors, pour vous tous, je le redis : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »