homélie de la Toussaint 2021
{joomplu:93} Prenons un peu de temps pour imaginer le bonheur du paradis. Quand on part en voyage, on se renseigne sur la destination, pour bien se préparer et ne pas manquer de l’essentiel. Qu’est-ce que nous ferions sans crème solaire au Maroc ou sans gros pull en Laponie ? C’est étrange que pour le voyage le plus important de notre vie, la plupart des gens se disent : on verra bien ! Vous me répondrez : comment peut-on savoir ce que sera le paradis ? Personne n’en est revenu pour en écrire un guide ? Est-ce si sûr, lorsque Jésus dit « si vous ne croyez pas quand je vous dis les choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous dirai les choses du ciel ? » (Jn 3,12). Lui, il les connaît. Lui, le seul, il vient d’auprès de Dieu.
De l’enseignement de l’Évangile, la méditation chrétienne a tiré ceci : la vie du paradis est le bonheur d’un amour immense, reçu et donné sans cesse. Elle est le bonheur de ressentir directement l’amour de Dieu et de pouvoir lui répondre, alors que nous sommes des êtres finis et si limités devant lui ! La vie du paradis est le bonheur de voir le visage de Dieu, de le contempler et d’en être émerveillé, en pouvant se dire : ce visage est vraiment à moi pour toujours ! Elle est aussi le bonheur de vivre cela avec d’autres êtres humains, comme en témoignent les images de banquet que Jésus utilise parfois. Au ciel nous découvrirons à quel point nous sommes aimés, et nous nous émerveillerons aussi de nous voir capables de répondre à cet amour sans en être écrasés, remplis d’indignité, découragés de notre petitesse.
Si la vie du paradis est le partage d’un amour qui dépasse notre cœur, il est de la plus haute importance que, tant que nous vivons sur cette terre, nous nous exercions à aimer Dieu de tout notre cœur et notre prochain de façon semblable. C’est ce que le Christ nous disait hier.
Celui qui aime ainsi, le Sauveur peut l’attirer directement dans la présence du Père. C’est pour nous apprendre à aimer de tout notre cœur, sans être détournés par les difficultés de la vie, que le Seigneur a enseigné les Béatitudes. À ceux qui souffrent d’être tenus pour pas grand-chose, le Christ dit : heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux. À ceux qui risquent de sombrer dans le désespoir, il dit : heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. À ceux qui sont distraits par les convoitises, il rappelle : heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ! Ainsi, nous pouvons avancer dans la vie le cœur ouvert, le cœur brûlant.
Oh, si nous pouvions être trouvés, à notre mort, avec le cœur tout tendu vers Dieu et tout ouvert aux autres ! Mais qu’en sera-t-il pour ceux qui ne meurent pas ainsi ? La miséricorde de Dieu a prévu une issue heureuse, qui respecterait à la fois la nature de l’amour et la valeur de notre liberté. Ce n’est pas une solution au rabais, comme le gros coup d’éponge qu’on imagine que Dieu nous donnerait, au mépris de ce que nous avons librement choisi. Ce n’est pas un paradis de seconde classe, où l’amour serait plus froid pour ceux qui se sont contentés d’un cœur tiède. Non, la miséricorde de Dieu a imaginé cette purification que l’on appelle d’un mot devenu désuet et pourtant si pertinent : le purgatoire.
Les âmes du purgatoire ont à vivre une transformation, proportionnelle à l’étroitesse de leur cœur. Sur terre, nous pouvons agir pour élargir notre cœur. Les âmes des défunts ne peuvent plus agir, mais seulement subir. C’est pourquoi il est important que nous priions pour elles, afin que la purification qu’elles ont à vivre les transforme plus rapidement pour les adapter au rayonnement de l’amour de Dieu. Bien sûr il y a encore une autre possibilité : qu’un défunt ait été assez orgueilleux que pour refuser d’entrer dans les vues du Royaume et se damner. Nous ne pouvons rien faire pour celui qui fait son propre malheur. Mais nous pouvons tant pour ceux qui n’avaient pas le cœur assez brûlant pour entrer au paradis tel quel. Si encore, le paradis c’était comme un immense disneyland, on pourrait y entrer avec simplement quelques bonnes dispositions. Mais si la vie au paradis a l’immensité du cœur de Dieu, c’est sûr que beaucoup de défunts choisissent de laisser dilater encore leur propre cœur avant d’y entrer. Le purgatoire n’est pas pour payer, mais pour agrandir la vie quand elle a été trop petite. C’est une belle réalisation de la Miséricorde. Accompagnons nos défunts de notre prière et de la messe ! Eux, en retour, prient pour nous et nous obtiennent bien des grâces, de même que le font ceux qui sont déjà au paradis. Ainsi vit réellement la communion des saints. Nous ne sommes jamais seuls.