homélie de l’Ascension
{joomplu:97}La fête d’aujourd’hui a un aspect douloureux à première vue : nous fêtons le départ du Christ vers le Père et donc aussi son absence parmi nous. Et si on nous dit : montrez-nous votre Christ en qui vous croyez. Nous devons bien répondre : il est venu du Père et il est retourné à lui ! A première vue nous avons l’air un peu bête de ne pas pouvoir fournir davantage de preuves, mais au fond il y a une réelle bonne nouvelle. Nous commençons à le pressentir lorsque nous voyons les apôtres rentrer à Jérusalem « remplis de joie » alors que Jésus vient de les bénir et les quitter (Lc 24,51).
L’ascension est un événement très cohérent avec l’identité du Christ, son mystère. Car Jésus, bien que vrai homme, n’est pas seulement un grand prophète, un réformateur audacieux, un sage exceptionnel ou un humaniste inspiré. Il est l’Envoyé qui vient du Père, comme nous le fêtons à l’Annonciation, et qui retourne à lui. Il est celui qui nous dit les paroles de son Père tout au long de sa vie, celui qui vient rendre à nouveau possible le lien des hommes avec son Père par sa passion, celui qui se laisse glorifier par son Père dans sa résurrection, et qui maintenant retourne à lui pour partager sa gloire.
Ce n’est pas facile d’être le disciple, l’ami d’un tel envoyé, de régler sa vie sur quelqu’un qui est passé ainsi dans notre vie. Si nous devions nous contenter de chercher Dieu, ce serait tout simplement impossible. Mais le christianisme n’est pas la religion de ceux qui cherchent Dieu, il est la religion de ceux qui se laisse trouver par Dieu. Ce n’est pas plus facile pour autant, car il faut apprendre à s’ouvrir à Dieu, à accueillir, à se laisser façonner, à se laisser aimer, à accepter de ne pas maîtriser les résultats de cette relation avec Dieu.
Nous nous laisserons trouver par Dieu dans la mesure où nous nous exposerons à son Esprit. Jésus avait dit que c’était de notre intérêt qu’il s’en aille, car ainsi nous pourrions vivre de l’Esprit (Jn 16,7). Vivre de l’Esprit au milieu de ce monde est une aventure vraiment passionnante, sûrement l’aventure la plus passionnante qui soit donnée aux hommes. Se laisser animer, émouvoir, combler par l’Esprit de celui qui a créé les plus grandes choses, celui qui est la beauté elle-même !
Et pour vivre de l’Esprit, une chose compte : il faut le demander ! Longtemps je m’étais figuré le Saint-Esprit comme la potion magique dans laquelle Obélix était tombé quand il était petit. Ses effets continuaient en nous sans que nous n’ayons à nous en soucier puisque nous avions été baptisé. Or Jésus nous invite à demander l’Esprit, et il introduit même un temps pour cela dans la vie des apôtres : les neuf jours qui séparent son Ascension de la Pentecôte. Avant de se séparer des disciples, il leur dit : « je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une force venue d’en haut. » (Lc 24,49) « Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins... » (Actes 1,8) Alors, « d’un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » (Actes 1,14)
Chaque année se renouvelle pour nous ce temps d’attente, bien que l’Esprit ait déjà été répandu sur nous : nous attendons quelqu’un que nous connaissons déjà. Nous voulons nous mettre à l’attendre afin de l’aimer davantage et de profiter plus profondément de sa présence. En attendant l’Esprit nous acceptons de ne pas vivre seulement par nous-mêmes mais nous disons : « c’est ta lumière qui guidera mes pas, c’est ta douceur qui me fera me regarder moi-même et regarder les autres, c’est ta force qui me fera témoigner du Christ avec audace et tendresse ».
Ainsi donc nous ne fêtons pas l’absence du Christ. L’Esprit est donné lorsque le Christ ressuscité quitte cette vie terrestre. L’Esprit vient donner la présence et l’œuvre du Christ au milieu de nous maintenant. Quelle est cette œuvre ? Il s’agit de l’œuvre de salut par laquelle le péché et ses conséquences néfastes en nous et dans le monde sont guéris et surmontés, par laquelle les chemins de la justice et de l’amour sont rétablis. L’Église n’est pas le peuple des gens qui peuvent se présenter en modèle, mais le peuple de ceux qui se laissent sauver par le Christ. Et ce salut a un nom : par les sacrements, par la conversion, devenir fils, fille de Dieu. Cette filiation nous fait entrer dans une vie réconciliée, sauvée et joyeuse, et l’Esprit nous pousse à témoigner de cela, c’est-à-dire à proposer cette vie nouvelle autour de nous.
Demandons l’Esprit pour nous, pour nos proches, pour les autres, pour ceux qu’on voit à la télévision, et qu’une nouvelle Pentecôte embrase le monde !