homélie de la messe des étudiants du 9 juin 2010, sur Matthieu 5,17-20
Jésus a un enseignement bouleversant, révolutionnaire. Dans quelle ligne s’inscrit-il ? Va-t-il prôner une nouvelle religion, en complète rupture avec la foi juive ? Vient-il abolir la Loi, les prophètes, c’est-à-dire, non les règles, mais la façon de s’attacher à Dieu, de compter avec lui dans la vie quotidienne, que la méditation de la « Loi du Seigneur » avait distillée dans le peuple hébreu tout au long de son histoire ?
Bientôt il va dire : vous avez appris qu’il a été dit... eh bien moi je vous dit... (Mt 5,21ss) Est-il donc venu changer le chemin que Dieu a proposé à son peuple ? Ou plus fort encore, est-il venu fonder une religion « horizontale », basée uniquement sur la solidarité et le partage ? Certains de ses propos le laissent croire. D’ailleurs, c’est ainsi que beaucoup de gens ont interprété l’évangile par la suite : simplement comme une règle de vie entre les hommes. Tout ce qui avait trait à la relation avec Dieu relevait alors de la mythologie surajoutée par l’Église, un élément facultatif.
Mais Jésus ne s’inscrit pas seulement en révolutionnaire social. Il est l’envoyé du Père, et il prend à son compte tout ce qui a aidé les hommes à tenir compte de son Père, à cheminer avec Lui au milieu des nations païennes. La Loi servait de guide, elle permettait de choisir Dieu, de se fier à lui, de l’aimer et de respecter son prochain. Jésus ne vient pas abolir mais accomplir la Loi.
Cet accomplissement suppose un déplacement :
- « vous avez appris qu’il a été dit... moi je vous dis » (suite du chap.5)
- « c’est en raison de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de divorcer... Mais ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mt 19)
- et cette insistance de Jésus sur la miséricorde et la tendresse de Dieu, sorte de déplacement d’accent, qui était déjà présent chez les prophètes : « c’est la miséricorde que je veux, et non les sacrifices. » (Mt 9,13 déjà en Osée 6,6)
Le plus grand déplacement que Jésus opère par rapport à la Loi se trouve dans sa passion, quand Jésus le Fils de Dieu meurt sur la croix d’une façon que la Loi considère comme une malédiction. Il dilate l’étroitesse de la Loi pour que l’amour triomphe. C’est cela, l’accomplissement.
Ainsi, quand nous lisons l’Ancien Testament, si quelque chose nous semble en contradiction avec l’Évangile, rappelons-nous que le Christ a rendu tout cela plus parfait. C’est l’attitude du Christ qui est le filtre à travers lequel nous pouvons tout comprendre.
Vivons comme les disciples de celui qui a fait tant de pas pour nous rejoindre, et laissons le Christ accomplir la Loi, l’alliance en nous. Cet accomplissement trouve son couronnement dans l’eucharistie, où Jésus va se donner à nous car il nous aime tant et veut établir un lien fort entre lui et nous. Son amour le pousse à cela ; ne lui disons pas, à lui qui accomplit la Loi et les prophètes en donnant sa vie pour nous, ne lui disons pas : « il ne fallait pas faire tout cela pour moi ! » Mais accueillons-le et laissons-le nous transformer.