{joomplu:177}Comme les fils que le père envoie à la vigne et qui disent non puis y vont, ou qui disent oui puis n’y vont pas (Mt 21,28), nous sommes venu ce matin avec un certain passé... Passé fait de fidélité au Seigneur et aussi d’infidélité... Passé émaillé de choix de lumière et d’espérance, ou de choix obscurs et de désespoir... Passé marqué par le bien et le mal qui nous ont été fait, qui nous ont construit ou blessé...

Ce passé est parfois lourd, au point de nous conduire à prononcer une sorte de malédiction sur nous-mêmes : étant donné ce choix posé un jour, cet événement jadis vécu, je ne serai plus jamais dans la même amitié avec Dieu, telle espérance que j’avais m’est à jamais fermée, je dois me résigner à une vie moindre, etc.

 

Eh bien non ! Avec Dieu mon passé n’hypothèque pas mon futur. Il ne s’agit pas de faire table rase du passé, de l’oublier, pis encore de faire comme s’il n’avait jamais été. Mais plutôt d’accueillir la bonne nouvelle qu’étant donné ce passé, il existe un chemin de joie, un chemin de lumière qui s’ouvre devant nous, à faire la volonté du Père.

Ce qui compte ce n’est pas le poids que je traîne, c’est le oui que je dis maintenant, mon oui d’aujourd’hui à la volonté de Dieu. Là se joue une nouvelle amitié avec le Seigneur, une amitié qui naît d’une communion de volonté. C’est cette communion de volonté avec Dieu, acceptée maintenant, qui donne l’intensité de l’amitié avec lui et qui permet à la communion eucharistique de nous nourrir.

La mentalité de Dieu dévoilée dans cet évangile et déjà dans la prophétie d’Ézechiel se révèle comme quelque chose de vraiment nouveau par rapport à notre mentalité humaine. La vraie vie n’est pas du tout comme la réussite scolaire, qui ne comprend pas les échecs ou demande qu’ils soient compensés par une bonne moyenne. La vraie vie n’est pas non plus comme cette balance que l’on représente dans la mythologie égyptienne ou grecque, la balance qui pèse nos actes et évalue si les bonnes actions l’emportent sur les mauvaises. La vraie vie est celle qui commence le jour où je dis oui à notre Père du ciel, où je prends la parole du Christ et son amour comme la règle de mon action et de mes aspirations. Cette vraie vie, Dieu l’attend en moi, et il ne regarde qu’elle.

C’est ainsi que le Purgatoire n’est pas dans la foi catholique le lieu où je vais devoir compenser mes mauvaises actions, mais celui où j’aurai à apprendre à dire oui si je ne l’ai pas encore dit. Et chez les chrétiens la balance est faussée : dans la plupart des tympans des cathédrales du moyen-âge qui représentent le jugement dernier, la pesée des âmes est influencée par l’ange qui tient la balance ou par la Vierge Marie, tous deux faisant pencher la balance du côté du paradis malgré les efforts des diables en tous genres. C’est une des représentation les plus saisissantes de la nouveauté chrétienne, de l’espérance que permet la miséricorde.

Ainsi, Dieu ne s’encombre pas d’un contentieux passé. Il a inventé le sacrement de réconciliation pour lui régler son compte dans notre cœur et nous en délivrer. Et il nous dit : vis ! Sois l’ami de Marie-Madeleine, des publicains et des prostituées qui me choisissent malgré leur lourd passé. Sois l’ami des magouilleurs convertis, des assassins repentis, de tous ceux qui après avoir erré dans les ténèbres font le choix de la lumière. Ainsi tu comprendras mon cœur et tu pourras le faire comprendre aux hommes qui en ont tant besoin.

Il me reste une question : pourquoi les convertis sont-ils en général plus fervents que les bons chrétiens qui sont tombés dedans quand ils étaient petits ? Sans doute parce que leur cœur a été broyé, qu’il a souffert dans l’abandon, et qu’il peut ainsi mieux vibrer à l’amour de Dieu. Ils ont tellement manqué de la lumière intérieure, comme tous les Belges de la lumière de l’été. Alors ils sont si reconnaissants pour cette lumière que Dieu leur donne, comme nous ce week-end pour ce beau soleil. Un Andalous peut-il goûter le soleil comme un Belge ? Quoi qu’il en soit, savourons le bonheur d’être aimés inconditionnellement, trouvons dans cet amour un appel à la joie, un appel à aimer, auquel il faut dire oui !