homélie du premier dimanche de l'Avent
{joomplu:149}Veillez ! Pourquoi le Seigneur nous donne-t-il cette désagréable impression qu’il veut nous surprendre et arriver à l’improviste ? Nous qui détestons être pris en défaut, nous n’aimons pas trop cette attitude... Mais c’est pour une toute autre raison que Jésus nous demande de veiller. C’est à cause du fonctionnement de notre cœur. Ce qu’il nous apprend ne sont pas d’abord des choses de l’esprit, mais du cœur. Il ne s’agit pas de savoir, mais d’avoir le cœur actif. Le savoir peut dormir, mais pas l’amour : le cœur doit veiller. Permettez-moi une comparaison conjugale : si l’un des deux conjoints se met à ne plus cultiver son amour, à laisser son cœur s’endormir en ne témoignant plus fréquemment son amour à l’autre, tout en se disant : il/elle sait bien que je l’aime... Eh bien cet amour est en danger, il est en train de s’endormir profondément et il meurt de faim. Il mourra, de faim, en dormant...
Avec Dieu c’est exactement la même chose. Le fait que Dieu ne soit pas directement visible ne change rien à la démarche du cœur. L’enjeu sera toujours de ne pas se contenter de « savoir » Dieu mais de l’aimer. Sans cesse nous avons à réveiller notre cœur dans notre relation à Dieu, choisir toutes sorte de délicates attentions à son égard, afin que notre amour pour lui soit vif, actif, concret. Veiller, c’est ne pas laisser son cœur passer à l’arrière plan, par la gestion des soucis quotidiens ou des multiples désirs que suscite en nous l’appétit de consommation.
C’est par le cœur qu’on va à Dieu !
Veiller va aussi nous aider à résister à tous ceux qui nous chantent des berceuses pour endormir notre conscience et notre esprit critique. Oui, il y a un devoir de veille dans ce monde où on nous serine que le marché a des lois qui doivent pouvoir s’imposer aux États sans que ceux-ci ne puissent taxer les transactions financières ; dans ce monde où on nous prétend que l’avortement doit être intégré aux droits de l’homme par le biais des « droits reproductifs et sexuels » ; dans un monde où certains meurent de faim quand d’autres meurent de trop manger ; dans un monde où on nous présente les rapports sexuels entre les personnes comme une simple source de plaisir accessible du moment que les partenaires sont d’accord, en dissimulant le fait que dans l’union physique on se donne tout entier, qu’on n’a rien de plus à donner que ce corps qui est nous, qui est ce que nous sommes de plus intime. Ce n’est pas normal ; on ne peut accepter cela.
Oui, Seigneur, nous avons un devoir de veille quand tout autour de nous s’endort de résignation ! Et donne-nous aussi de bien veiller, sans devenir des veilleurs de notre petit confort !
Enfin j’aimerais souligner une autre chose qui transparaît dans les lectures. Isaïe, en parlant de notre situation éloignée de Dieu, dit : « pourquoi rends-tu nos cœurs insensibles à ta crainte ? » Laissant entendre que si Dieu ne vient pas nous restons abandonnés au pouvoir de nos péchés.
Nous découvrons que c’est Dieu lui-même qui nous donne une sensibilité à lui, à sa présence, à ses commandements. Nous savions déjà que Dieu avait fait le premier pas, que ce n’est pas nous qui d’abord allons vers lui, mais lui vers nous. Nous découvrons maintenant que c’est aussi Dieu qui rend possible le pas de nous vers lui. Et c’est comme ça que le psaume peut dire : « Fais-nous revenir, et nous serons sauvés ! »
Souvent, dans la suite du Christ, on s’esquinte, on se condamne soi-même de ses manquements, on se dit qu’il est temps de faire plus d’efforts — mais on ne voit pas trop comment — alors qu’il faut demander ! Seigneur, montre-moi ton visage, fais-moi aimer ce que tu demandes, attire-moi, séduis-moi !
Dans la théologie, on parle à ce sujet des « vertus théologales ». Les vertus théologales se portent sur Dieu et elles sont données par Dieu. C’est croire en Dieu, c’est l’aimer et aimer les hommes comme il les aime, c’est espérer par dessus tous les soucis et les obstacles car nous voyons déjà ce qu’il fait. Eh bien, trop souvent nous nous disons : il faut que je croie plus ! Que j’aime plus généreusement ! Que je cesse de me décourager ! Et nous ne demandons rien. Mais ce sont des vertus théologales : c’est Dieu qui les donne, il faut les lui demander ! Seigneur, donne-moi la foi ! Donne-moi la charité ! Donne-moi l’espérance !
Voilà une belle démarche pour notre Avent...