— homélie du 4ème dimanche de l’Avent, 19 décembre —

{joomplu:168}De Jésus on dit dans le credo qu’il a été conçu du Saint-Esprit. Marie, lorsque l’ange lui annonce qu’elle va concevoir un fils, lui objecte que ça lui paraît étrange puisqu’elle est vierge. Mais quand l’ange lui dit que c’est « la puissance du Très-Haut » qui fera cela, elle accepte le projet de Dieu dans la foi. La conception de Jésus par le Saint-Esprit a posé des questions à la biologie de toutes les époques, et dans les termes d’aujourd’hui on se demandera de quel bagage génétique Jésus hérite-t-il. C’est impossible de rendre compte de la conception de Jésus de façon scientifique ; mais comme disait Pascal, « tout ce qui est incompréhensible n’en existe pas moins pour cela. »1 La rationalité scientifique n’est pas le seul mode de connaissance2.

Une autre réticence à la conception virginale de Jésus serait qu’elle dévaluerait la sexualité.

C’est une tendance qui a eu cours dans l’Église, au moins depuis Origène qui s’était laissé marquer par la conception pessimiste de la tradition platonicienne sur le corps. La gêne du corps n’est pas authentiquement chrétienne, elle est plutôt grecque, mais les chrétiens y ont bu goulûment. Or ce n’est pas parce que Jésus est conçu sans relation sexuelle que l’évangile dit « c’est pourquoi celui qui va naître sera saint ». La sexualité est créée par Dieu, les relations sexuelles peuvent être un chemin de sainteté, elles peuvent rapprocher de Dieu, lorsqu’elles correspondent vraiment à ce qu’est la personne humaine dans sa sexualité, c’est-à-dire un être appelé à se donner tout entier et à recevoir l’autre tout entier. Créée à l’image de Dieu, la personne humaine doit vivre comme les personnes divines, trouvant leur identité en se donnant toutes entières l’une à l’autre. Pour l’acte sexuel, c’est ce don et cet accueil totals qui demandent comme cadre le mariage, lorsqu’on s’est déjà engagé totalement par ailleurs. C’est ce don et cet accueil totals qui demandent aussi de ne pas refuser quelque chose de l’autre en évacuant sa fécondité. Cette attention au don total rend capable de réaliser progressivement une élévation du désir sexuel jusqu’au plan de l’amour. Il y aurait beaucoup à dire, dans cette matière où personne n’est irréprochable, où il ne faut surtout pas chercher à être irréprochable, mais bien à percevoir l’appel de Dieu chacun là où il en est ; l’amour est trop grand pour que Dieu nous abandonne simplement à nous-mêmes et à nos désirs. Je vous renvoie par exemple à la théologie du corps de Jean-Paul II, un sujet tout à fait ignoré, abordé par exemple sur www.theologieducorps.fr, et à mon cours de morale sexuelle et familiale que je mettrai bientôt sur www.donchristophe.be

Donc, si Jésus est déclaré « saint », c’est pour autre chose. Il est saint parce qu’il vient de Celui qui seul est saint : le Père. Il est saint parce qu’il est « de Dieu ». Et nous sommes appelés à la sainteté, c’est-à-dire à être de plus en plus « de Dieu », nous qui sommes déjà créés à son image. Pourquoi être saint, me direz-vous ? Car c’est l’accès à la source de la vie, c’est le moyen d’avoir la vie en nous, au lieu de devoir courir après la vie, subir toutes sortes d’insatisfactions et de mauvaise humeur, chercher un bonheur qui recule sans cesse comme le trésor qui devrait se trouver au pied des arcs-en-ciel.

Être saint pour avoir l’âme comblée de vie, de paix, d’amour, ruisseler d’amour et de bienveillance pour chacun.

Pour commencer à être recréés au fond de nous-mêmes, faisons nôtre la bonne nouvelle annoncée à Marie : « tu as trouvé grâce aux yeux de Dieu ! » Dieu se réjouit de nous voir, de nous aimer, de pouvoir goûter le moindre élan d’amour, de reconnaissance de notre part. Parfois on demande par rapport à Dieu : Dieu, à quoi sert-il ? Il faudrait plutôt demander : Dieu, comment puis-je l’aimer ? Pour être nourri, recréé par son amour.

Je vous propose un temps de prière, où nous nous arrêterions pour nous rendre compte de la joie qu’a Dieu de nous aimer, tout à fait indépendamment de nos péchés (car pour nos péchés il a la solution, il offre son pardon, il veut nous purifier pour que rien ne ternisse notre lien d’amour). Soyons persuadés que la joie de Dieu de nous aimer est première ; sans cesse il voudrait nous dire : « tu es là, et je vais pouvoir t’aimer ! »


1Pensées, art. XII, 9

2Lire à ce sujet la passionnante intervention de Benoît XVI à Ratisbonne en 2006, dont la pertinence fut totalement occultée par un débat vraiment petit autour de l’islam et de la violence.