homélie du Vendredi Saint
Au début de cette année j’étais très désolé au sujet de l’état de l’Église. À l’intérieur il y avait tous ces contre-témoignage de chrétiens, ces péchés terribles de la part de quelques prêtres, et aussi une érosion du sens de Dieu à laquelle nous sommes tous exposés. À l’extérieur il y avait cette hostilité envers l’Église, très dure bien qu’elle dise rarement son nom. J’étais fatigué de voir la plupart des interventions de l’Église tournées en ridicule, ses positions incomprises ou refusées a priori, alors qu’elle veut apporter au monde un sens de l’homme vraiment nécessaire et utile. Et puis je pensais à l’effondrement du nombre de prêtres, à la tâche surhumaine qui nous attend et en même temps à la fausseté des remèdes bateau qu’on nous propose souvent pour y remédier et que d’autres Églises ont essayé depuis longtemps sans que cela les préserve de la crise.
Et je me disais: avec quelles forces l’Église peut-elle annoncer le Royaume? Comment peut-elle remplir sa mission en faveur des hommes? Qu’est-ce qui est en train de se passer?
Un jour, un vendredi, tandis que je marchais, je prends mon chapelet qui traîne toujours dans ma poche et je commence à le prier: «premier mystère, Jésus est condamné à mort…» Tout en priant, des écailles tombent de mes yeux: quand le Christ a-t-il été le plus efficace? Quand a-t-il sauvé non seulement les gens qui avaient la chance de le croiser sur les chemins de Palestine mais bien plus tous les hommes de la terre, la multitude pour laquelle il donnait sa vie?1 Il a fait cela en acceptant d’être incompris, tourné en ridicule, refusé, rendu impuissant.
Alors, pourquoi être désespéré de la situation de l’Église? Nous sommes en train de vivre la Passion, et c’est peut-être la période la plus passionnante de l’histoire de l’Église, où ce qu’elle vit est le plus ajusté à l’esprit de son fondateur et à son action. C’est un moment de grande efficacité de notre mission, dans la mesure où nous luttons en nous-mêmes pour être fidèles comme Jésus. Faibles, écrasés par les circonstances, nous sommes au plus près de la force de Dieu, la vraie, la pure, celle qui change le monde. Et j’ai continué mes semaines dans une grande paix, une profonde confiance: le Père sait! Et nous ne sommes pas à côté de notre mission.
L’œuvre du Christ sauvant les hommes me fait penser à l’histoire de Mr Mitsuru Sato, qui gérait une entreprise de fruits de mer à Onagawa, sur la côte est du Japon. Son entreprise accueillait une vingtaine de stagiaires chinois. Aussitôt après le tremblement de terre il a conduit les stagiaires chinois qui se trouvaient dans le dortoir vers un lieu plus sûr, en hauteur, puis il est redescendu pour chercher sa femme et sa petite fille. C’est alors qu’il a été englouti par les flots. Le corps de M. Sato a été retrouvé un mois plus tard.
Les stagiaires chinois sont rentrés en Chine profondément émus. Lorsqu’ils ont su que la production allait reprendre dans l’usine ils ont voulu retourner à Onagawa. C’était une façon de vivre la reconnaissance. Mais beaucoup de parents le leur ont interdit, craignant que ce ne soit dangereux…
Le Christ a donné sa vie pour nous, il est descendu dans les bas-fonds du cœur humain, il a été englouti par les flots de la mort… Mais il est vivant et notre reconnaissance nous le fait rencontrer. C’est par notre reconnaissance que nous atteindrons l’amour du Christ et qu’il deviendra pour nous bien plus que des mots. Et en entrant dans cette reconnaissance nous nous mettons à comprendre bien des choses sur nous, sur Dieu, sur le monde, et nous pouvons à la fois y vivre heureux et le changer en connaissance de cause.