messe du lundi saint — Onction des malades
La personne qui souffre voit rapidement monter une question en elle, toujours la même : pourquoi ? Spontanément elle l’adresse à Dieu, qui semble être le plus à même d’expliquer l’inexplicable. Par ailleurs, Jésus a toujours refusé de donner des explications à la souffrance1. Il a guéri les malades qu’il rencontrait, dans de vrais miracles qui soutenaient son enseignement, son annonce de l’amour du Père et de la venue du Royaume. C’est à cause de ces miracles manifestes que tous couraient à lui bien plus qu’à un autre thaumaturge, au point « que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville » (Mc 1,45 ; Mt 9,35 ; Mt 14,35). Et aux pharisiens qui ne voulaient pas croire sa parole il pouvait dire : « quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres, afin que vous connaissiez et que vous sachiez bien que le Père est en moi comme je suis dans le Père. » (Jn 10,38)
Aujourd’hui encore les miracles qui ont lieu dans l’Église ne sont pas pour le bien-être des gens mais pour soutenir l’annonce de la foi. Pourtant le Christ offre aussi un bien-être : celui de vivre les choses dans la coopération à son œuvre. Celui qui pose au Christ la question du pourquoi de sa souffrance se rend compte que c’est de la croix que le Christ lui répond. Et sa réponse n’est pas une explication mais une amitié, une complicité avec lui qu’il propose.
Au lieu de donner des raisons intellectuelles, le Christ engage la personne qui souffre dans un « faire » pratique. Ce « faire » est la collaboration à l’œuvre inédite de la croix, l’œuvre de réconciliation du monde abîmé par le mal que le Christ opère sur la croix par son union au Père.
Une des choses qui accablent le plus celui qui souffre est le sentiment d’inutilité et la crainte d’être un poids pour les autres. C’est une des raisons pour lesquelles des personnes choisissent cette fuite en avant qu’est l’euthanasie. Mais à celui qui se sent inutile le Christ vient offrir de collaborer à une œuvre irremplaçable : réconcilier le monde.
Pour illustrer mon propos je voudrais vous rappeler les dernières années du pontificat de Jean-Paul II, lorsque les gens bien-portants disaient : « qu’avons-nous besoin d’un pape si croulant, quelle image désastreuse donne-t-il de l’Église ? » À ce moment-là Jean-Paul II discernait dans la foi qu’il accomplissait son pontificat avec une efficacité qu’il n’aurait pas pu atteindre en pleine forme. Rappelez-vous les portes qu’il a ouvertes en Roumanie, en Israël, et même dans les demandes de pardon. Je vous laisse avec sa propre interprétation des faits un jour de 1994 où il était à nouveau hospitalisé :
« Au début de mon pontificat, le cardinal Wyszynski, primat de Pologne, m’a dit : “si le Seigneur t’a appelé, tu dois faire entrer l’Église dans le troisième millénaire.” Et j’ai compris que je dois faire entrer l’Église du Christ dans ce troisième millénaire par la prière, par différentes initiatives, mais j’ai vu que cela ne suffirait pas : il fallait l’y faire entrer avec la souffrance, avec l’attentat d’il y a 13 ans et avec ce nouveau sacrifice. Pourquoi maintenant, pourquoi en cette année, pourquoi en cette année internationale de la famille ? Précisément parce que la famille est menacée, parce que la famille est agressée. Le pape doit être agressé, le pape doit souffrir, pour que chaque famille et le monde entier voient que c’est un Évangile, supérieur, dirais-je : l’Évangile de la souffrance, avec lequel il faut préparer l’avenir, le troisième millénaire des familles, de chaque famille et de toutes les familles. Je dois à nouveau rencontrer les puissants du monde et je dois leur parler. Avec quels arguments ? Il me reste cet argument de la souffrance. Et je voudrais leur dire : comprenez-le, comprenez pourquoi le pape a de nouveau été à l’hôpital, de nouveau dans la souffrance, comprenez-le, repensez-y ! » Avec cette citation, nous comprenons que le pape est resté très actif jusqu’à son dernier souffle ! Il y a des façons très différentes de faire des choses. Pour lui, la souffrance de ces dernières années c’était faire des choses en profondeur, intensément.
Dieu n’a pas sauvé le monde pour que les choses aillent mieux mais pour que nous puissions aimer mieux, nous donner dans la joie. Que le Seigneur nous aide à vivre la souffrance inévitable tout unis à lui, dans la joie de cette union intime et d’être utile au monde.