Homélie de la Sainte Trinité
{joomplu:142}Nous, l’Église du Christ, nous avons une expertise bien particulière : nous pouvons connaître Dieu. Je ne dis pas que d’autres ne peuvent pas le connaître, mais à nous il est dit, dans l’héritage du peuple hébreu : « Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu et soit resté en vie ? » (Dt 4,32)
Que peut-on connaître ? Cette question a habité les philosophes depuis qu’il y en a. Et il y a eu toute une diversité d’opinions. Sur quoi pouvons-nous avoir une connaissance certaine ? Au long de l’histoire le champ de la connaissance jugée pertinente s’est considérablement restreint. À notre époque nous avons presque tous tendance à croire que la connaissance utile se limite à la connaissance scientifique et technique : la connaissance qui nous explique le fonctionnement des processus physiques et biologiques et qui nous permet d’en tirer parti par la technologie et la médecine. Il y a quelques dissidents philosophes, ou dans le domaine des médecines parallèles… et il y a nous ! Nous qui dans le cœur de l’Église recevons cet encouragement : nous pouvons connaître Dieu, savoir qui il est, sa façon de nous regarder, ce qu’il a voulu en concevant le monde, ce qu’il demande à chacun. Nous pouvons connaître Dieu, mais d’une manière si différente que nous connaîtrions un objet technologique. Car si nous cherchons à connaître Dieu ce n’est pas pour savoir ce que nous pourrions en tirer ! C’est pour apprendre comment il nous aime, et comment l’aimer.
La connaissance de Dieu que nous trouvons dans l’Église n’est pas manipulatrice, mais unitive. Elle est une connaissance qui intéresse le cœur et qui a besoin de dispositions correctes du cœur : elle nécessite une conversion — c’est pourquoi même des gens de l’Église n’ont pas connu Dieu. Quand Dieu dit qu’on peut le connaître, il dit en même temps : tu garderas mes commandements (Dt 4,36.40).
Bien que cette connaissance de Dieu intéresse le cœur, elle n’est pas seulement une connaissance émotive, comme quand on dit que Dieu est comme on le sens. Dieu existe indépendamment de notre façon de le sentir, et nous pouvons le connaître avec notre raison, d’une façon objective, d’une façon que nous pouvons partager avec d’autres et discuter avec notre intelligence. Bien sûr nous n’allons pas mettre Dieu en théorèmes et en démonstrations, mais notre raison, notre besoin de comprendre avec l’esprit, tout cela est aussi créé en nous à l’image de Dieu.
De la bouche de l’Église nous apprenons que Dieu est Trinité. Ce n’est pas elle qui l’a inventé ; elle l’a au contraire reçu du Christ, même si celui-ci n’a jamais dit : asseyez-vous là et écoutez-moi bien : il y a trois personnes en Dieu et pourtant il n’y a qu’un seul Dieu ! C’est en méditant, en réfléchissant, en discutant sur l’identité de Dieu, à partir du comportement de Jésus et du don de l’Esprit Saint, que les chrétiens en sont arrivés à cette connaissance éprouvée de Dieu : il est Trinité, il est trois personnes, trois sujets unis par un amour si grand qu’on ne pourra jamais le décrire, un amour qui fonde leur être au point d’en faire un être unique. C’est la foi de l’Église, qu’elle porte depuis près de 2000 ans et qui a permis à tant d’hommes et de femmes de connaître Dieu et de jouir de son amour.
Car si nous cultivons cette connaissance de Dieu Trinité, ce n’est pas seulement pour la prétention de dire des choses sur Dieu. C’est parce que cela nous concerne au plus haut point. L’Esprit d’amour qui est en Dieu est sorti vers nous, il veut nous unir à Dieu d’une façon intense, active : il veut faire de nous des fils, des filles de Dieu (Rm 8,14), des gens qui cherchent leur bonheur dans son amour et qui acceptent de dépendre de lui. C’est un bonheur tellement fou de se laisser prendre dans l’amour qui est en Dieu, dans l’amour qui est Dieu. Demandons-le lui, osons cette dépendance, et un bonheur sans mesure sera à nous. S’il y a bien quelque chose que j’ai appris dans le Renouveau charismatique c’est bien ce caractère concret et fort de l’amour de Dieu qui vient à notre rencontre.
Enfin, allons-nous garder ce bonheur pour nous ? Le bonheur qui vient de l’amour ne peut que se partager. Le but de l’Église, c’est de rendre accessible l’amour de Dieu et d’y inviter, c’est d’aller faire des disciples pour les baptiser « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28,19). Car Dieu a un tel désir de se donner, de connaître l’amour avec chaque être humain. Il faut le dire à tous, en commençant là où nous sommes, par nos actes et nos paroles. C’est la mission d’une paroisse (et c’est bon d’y revenir en ce temps où nous pourrions avoir peur — la peur n’est pas un don de l’Esprit Saint et elle ne peut pas nous servir à discerner) : relayer ce désir qu’a Dieu de rencontrer les hommes. Ce Dieu qui sait bien que le secret du bonheur se trouve en lui, bien que si souvent l’homme dise : mais je suis très heureux sans Dieu, je n’en ai pas du tout besoin !
Seigneur, apprends-nous ce qu’est l’amour !