messe d’action de grâce à Louvain-la-Neuve. 22e dimanche B
Aujourd’hui Jésus reproche aux pharisiens d’avoir annulé la Parole de Dieu pour la remplacer par leurs propres manières de faire, et d’avoir décrété que c’est ce que Dieu aimait. Ils sont gonflés, les pharisiens ! Comment avaient-ils pu penser qu’ils pourraient amadouer Dieu par quelques petits rites en oubliant l’essentiel de ce que Dieu demandait : la justice, l’amour et la vérité ? Cela semble hallucinant, mais nous découvrons là un danger pour tout être humain : avoir un cœur à plusieurs étages, ou un visage double ; essayer de paraître d’une certaine façon devant les autres et devant Dieu, et entretenir en soi des pensées et des projets tout autres. Je ne parle pas des tentations, comme lorsque nous essayons d’être poli avec quelqu’un qui nous gonfle et que nous sommes tentés de l’envoyer promener… Ce n’est pas cela l’hypocrisie, mais bien cet art de nous mentir à nous-mêmes et de nous cacher ce que nous cherchons vraiment.
Cela peut arriver envers Dieu, comme lorsque nous lui demandons quelque chose mais que nous ne voulons surtout pas savoir ce qu’il attend de nous, du genre : « Seigneur, aide-moi à trouver un job où je gagnerai beaucoup d’argent, et je suppose que dans l’évangile tu ne dis rien sur l’usage de l’argent hein ? D’ailleurs je me garde bien d’aller vérifier… » Cela arrive aussi quand nous estimons que nous pouvons faire une belle prière en y mettant les formes tout en gardant le cœur dur.
Avoir le cœur double peut survenir dans notre vie avec les autres. Comme lorsque nous sentons que nous nous éloignons de notre conjoint, mais au lieu de le reconnaître et de travailler à remonter la pente, à réduire la distance, nous nous enfermons dans la rêverie ou nous remettons notre engagement en question... Ça ne vaut pas seulement pour les gens mariés, mais aussi pour les consacrés qui prennent leurs distances avec Dieu. Et plein d’autres situations importantes de notre vie où il est temps de prendre une décision de lumière, une décision d’unification plutôt que de se laisser écarteler.
Dans tous ces cas on estime souvent qu’il faut suivre ses penchants. Mais c’est le contraire, il faut suivre l’évangile, et demander à nos penchants de nous emboîter le pas. Que notre cœur se joigne à nos lèvres, et non l’inverse ! Que notre désir s’unisse à ce que nous estimons juste, afin que nous soyons un en nous-mêmes et puissions goûter le bonheur d’aimer. Notre bonheur grandira à la mesure de notre unité intérieure, car Dieu ne nous a pas faits pour que nous soyons divisés.
Ce qui intéresse Dieu ce ne sont pas des rites, mais c’est notre cœur. Car ce qui est la mesure de toute chose c’est l’amour. L’amour est la règle cachée de l’univers — bien que je ne suis pas sûr qu’après le boson de Higgs les physiciens découvriront un jour le boson de l’amour, le vrai boson de Dieu… Pourtant il existe. Dieu nous a fait pour l’amour, et un amour qui lui ressemble. « Dis-moi quel est ton amour et je te dirai qui tu es » disait un jour le pape Jean-Paul II. Nous sommes faits pour un amour qui n’est pas calculateur ni manipulateur, un amour qui est un engagement total de la personne envers une autre personne. C’est à notre façon d’aimer que nous réussissons notre vie.
La qualité de notre amour passe par la qualité de nos choix quotidiens. Nous sommes soucieux de la pureté des aliments que ns mangeons. Soyons-le encore plus de la noblesse des choix que ns faisons, même les petits choix comme de dire ceci ou de regarder cela. Notre cœur est le bien le plus précieux que Dieu nous a fait. Savoir à quoi nous appliquons notre cœur est le choix le plus grand que nous faisons.
Enfin je voudrais remarquer que dans cet évangile les gens viennent prendre Jésus en défaut. Et lorsqu’on l’aborde ainsi, Jésus ne parlemente pas, ni ne s’excuse ; il démasque le cœur et renvoie l’autre dans les cordes. Parfois nous aimons nous aussi prendre en défaut, ou nous souffrons d’être épié. Prendre en défaut est une pratique fort répandue. Dans tous les cas c’est une action de mort. Jésus la refuse pour ouvrir des chemins de vie, par la conversion, c’est-à-dire en proposant un changement profond. À une conduite de la société par des règlements, Jésus propose un progrès par la conversion, ce qui suppose de croire qu’une personne peut changer. C’est important de nous offrir mutuellement ce cadeau : croire que celui qui a mal agi peut se convertir, qu’il n’est pas à jamais déterminé par le mal qu’il a fait.
Au long de ces 13 ans, vous tous que j’ai côtoyé dans toutes sortes d’activités, j’ai eu le bonheur immense de vous voir vous intéresser à Dieu. De près ou de loin, qu’importe, mais avec un cœur qui cherche. C’est ce qui m’a fait le plus plaisir : rencontrer des personnes qui se laissent interpeller là où elles en sont par la question de l’être le plus important et le plus caché de l’univers : Dieu, l’auteur de tout, qui nous aime tant. Ne laissez jamais cette question dormir, car elle est l’une des plus importantes de la vie. Merci de tout cœur !