Homélie du jour de Noël 2013
Je voudrais ce matin nous encourager dans cette conviction : Dieu est présent et il agit. C’est ce que veut nous dire Isaïe quand il nous fait voir un messager qui proclame : « il est roi, ton Dieu ! » Il est roi, il règne, il est présent à nos vies, au monde, et il les conduit.
En écho à cette affirmation peut monter une protestation, qui dirait : on ne le voit pas beaucoup agir, ton Dieu ! La tentation du doute est présente, car une action de Dieu échappe à nos mesures humaines. Pour la voir, il faut déjà se mettre du point de vue de Dieu, se poster devant les doutes comme son allier, son partisan. Il faut franchir le mur de la foi. Alors nos yeux peuvent se réjouir de la présence et de l’action de Dieu notre roi.
Cette action de Dieu trouve son modèle dans l’événement de la crèche, du Dieu qui se fait homme. C’est un événement qui devait se préparer, et tout l’Ancien Testament nous montre ces tâtonnements de la rencontre de Dieu et des hommes. Dieu, dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, a parlé à nos pères de façon fragmentaire et variée. Pas étonnant que les chrétiens ne se retrouvent pas facilement dans l’Ancien Testament… Mais il y a là pourtant la grammaire de la rencontre de Dieu, les bases qui conduisent au Christ.
Alors vient enfin le couronnement : Dieu se fait homme, le Verbe se fait chair, il s’unit complètement à ce que c’est que d’être homme. Nous n’assistons pas à un dieu qui prend une apparence humaine. Ce n’est pas non plus une métamorphose de Dieu. Mais Dieu se fait vraiment humain, ce qui veut dire que l’être humain est tel qu’il peut accueillir l’être de Dieu. L’accueillir non pas comme une visite ou une inspiration, mais l’accueillir dans toute sa constitution d’être humain : Dieu se fait homme avec une fatigue comme nous, avec des rêves et des cauchemars comme nous, avec une faim et une soif, avec une joie et une tristesse, avec du dépit et de l’enthousiasme, avec au-dessus de tout une espérance qui dépasse toutes les déceptions. Regardons-nous un instant chacun, de l’intérieur, et disons-nous : Dieu s’est fait l’être humain que je suis !
Quand saint Jean médite sur le Verbe fait chair, il constate aussi que l’action de Dieu, le règne de Dieu qui se réalisent là, ont risqué d’être contestés. « Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu ». Quand Dieu se fait homme il devient si humble qu’il peut être piétiné et rejeté. Mais cela n’est pas son dernier mot. Il vit et il offre son pardon. Et nous, mis par l’enfant de la crèche devant tant de responsabilité, unis à tous ceux qui luttent pour la réconciliation et pour la paix, nous disons comme Etty Hillesum, cette jeune juive emmenée dans les camps nazis : « je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi ! »