homélie du 2e dimanche de l’Avent
Quel monde inouï, où le loup habite avec l’agneau plutôt que de le croquer! Où le lion mangera du fourrage comme le bœuf ! Où la vache et l’ourse auront même pâturage et s’en porteront bien ! Et il ne s’agit pas seulement des mœurs des animaux, mais aussi des lions que nous croisons dans la personne de notre voisin, ou de notre patron. Peut-être certains d’entre nous vivent-ils avec un ours ou une vache, ou ont-ils l’impression d’être installés sur un nid de vipères… Nous aspirons à un monde réconcilié, un monde de paix où il ne se fait plus de mal, un monde de tendresse où la peur aura disparu.
Comment réaliser ce monde ? Dans la recherche d’une société plus juste on essaie d’affiner les lois, de les rendre plus efficaces, plus contraignantes pour que de moins en moins d’injustices n’arrivent. Mais cela ne peut pas réussir, même au prix d’une bureaucratie toujours plus envahissante ou d’un contrôle de la société à la big brother.
La seule solution pour amorcer le monde de paix auquel nous aspirons et que Dieu décrit nous est présentée par Jean-Baptiste : c’est la conversion du cœur, c’est-à-dire le mouvement de transformation intérieure que chacun peut décider d’accomplir afin de correspondre à la volonté de Dieu, au commandement d’aimer Dieu et son prochain comme soi-même. Il n’y a pas de paix et de justice sans conversion personnelle. À un journaliste qui venait interviewer mère Teresa et lui demandait ce qu’il faut changer dans le monde, elle a répondu : vous et moi !
Ce changement intérieur nécessaire demande des efforts. Mais est-ce que ce sont ces efforts qui vont tout changer autour de moi ? Après tout, ces efforts ne sont pas toujours récompensés, le Royaume de tendresse et de paix que je voudrais commencer à créer subit du retard. Comment ne pas se décourager ? Je pourrai tenir bon lorsque je remarquerai que ce Royaume ne vient pas par des efforts mais qu’il vient par quelqu’un : le loup n’habite pas avec l’agneau parce qu’il a été bien dompté ou parce qu’il a accepté une muselière mais parce que « la connaissance du Seigneur emplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer » (Is 11,9).
C’est le Christ qui est le premier établissement du Royaume de Dieu et c’est à son retour qu’enfin le mal sera banni de la vie des hommes. Mes efforts préparent le Royaume et ils préparent mon adhésion au Royaume qui vient. Mais la venue de ce Royaume n’est pas la somme des efforts collectifs ni de la mobilisation générale. Cette venue est l’œuvre d’une personne, l’œuvre du Christ, de son amour qui ne se décourage jamais. Nous ne parvenons pas à construire le Royaume en nous référant seulement à des valeurs ou à des idéaux, même les plus nobles. Se battre pour un idéal peut donner certains résultats, avoir une certaine noblesse, mais cela n’atteint pas la racine de l’être, la racine des besoins de la personne — ni de celle qui agit ni de celle qui bénéficie de l’action. Il nous faut une référence qui corresponde au dynamisme profond de l’être humain, c’est à dire une référence qui permet d’entrer dans une rencontre personnelle. Le Royaume de Dieu arrive comme la rencontre du Fils de Dieu qui vient dans le monde. C’est un royaume qui naît de l’amour, qui naît de l’attachement personnel à Dieu qui se révèle dans la « racine de Jessé », le fils de Marie.
Et nous pouvons le comprendre facilement : la justice, la paix, l’amour entre les hommes ne peuvent s’installer que par une réconciliation profonde ; l’exemple de Nelson Mandela nous le montre pour aujourd’hui, qui pour faire avancer son pays au-delà du drame de l’apartheit crée en 1995 la « Commission de la vérité et de la réconciliation ». Pas de paix sans réconciliation profonde, et cette réconciliation qui va à la racine du cœur c’est le Christ qui l’a accomplie sur la croix pour l’humanité.
Viens, Seigneur Jésus, fais-nous puiser à la source de ton amour, fais-nous préparer ton Royaume en gardant les yeux fixés sur toi !