Homélie du 16e dimanche A, 20 juillet 2014

J’ai{joomplu:153} envie de parler de l’ivraie de nos péchés et du bon grain de nos bonnes actions, mais est-ce que j’ai le droit de le faire lorsque je vois que le Seigneur assimile plutôt le bon grain aux fils du Royaume et l’ivraie aux fils du mauvais qui font tomber les autres et commettent le mal ? Le Christ n’a jamais scellé le sort de personne, il a toujours espéré que le pécheur se ressaisisse, et d’autre part les récits où il est question de la fin du monde ne sont pas là pour nous donner une démographie de l’au-delà mais pour que nous adaptions aujourd’hui notre conduite à la vie du ciel. Donc je me permettrai de parler de l’ivraie et du bon grain en nous.

Dieu patiente avec chacun, supporte nos hésitations à ne faire que le bien, mais au temps de la moisson, les moissonneurs enlèveront l’ivraie pour la brûler (Mt 13, 24-43). L’ivraie de nos actions mauvaises, de tout ce que nous aurons fait sans amour ou contre l’amour, il ne faudra pas prétendre au jour du jugement que c’est du bon grain, que c’était le meilleur que nous pouvions faire, que nous avons agi « en conscience » étant donné les limites du temps, etc. Dieu ne fera pas de reproches, mais nous devrons le laisser brûler l’ivraie en l’abandonnant sans chercher à nous justifier, dans la confiance que nous serons aimés sans calcul, sans condition. Il y a tant de gens qui aspirent à être aimés sans calcul et ne l’ont encore jamais été. Dans la vie éternelle leur aspiration sera comblée d’une façon inimaginable, et dès maintenant l’amour de Dieu se donne sans condition et on peut l’accueillir. D’autres par contre refusent de croire en une une vie où l’amour se donne gratuitement, sans mérite. Mais comme c’est le régime du ciel, dont nous bénéficierons mais que nous devrons aussi adopter, il y aura une conversion nécessaire.

Dans ce contexte, l’évocation de la miséricorde et de la force de Dieu est nécessaire (Sg 12). La force de Dieu, nous n’aimons pas souvent y penser car ou bien nous avons été déçus un jour par l’apparente faiblesse d’un Dieu qui ne répondait pas à nos attentes, et nous nous disons que la force de Dieu est une croyance propre aux peuples pré-technologiques ; ou bien nous pensons à la force cassante de celui qui se fâche parce que la situation lui échappe, déguisant en fausse force un aveu de faiblesse ; ou bien enfin nous imaginons cette force comme une menace de notre liberté, comme si c’était une bonne liberté que celle qui est conquise dans le dos de Dieu ; dans ce cas la force de Dieu serait quelque chose à craindre ou à essayer d’oublier. Or la force de Dieu est un bienfait, non une menace. Sa domination est un abri car elle est amoureuse. C’est elle qui me fait exister, qui me protège de moi-même et des autres et qui m’arrache à ce qui me retient en esclavage. « Seigneur, révèle en moi ta force, saisis-moi par la puissance de ton Esprit qui intervient en ma faveur et ne fait qu’un avec moi ! » (Rm 8,27)

La force de Dieu et sa miséricorde, c’est tout un. Sa miséricorde n’est pas un aveu de faiblesse mais une manifestation de sa puissance, qui sauve, arrache des ténèbres, guérit, même si parfois c’est par le fer — on pourrait parler de nos jours de la chimiothérapie de Dieu — et que nous nous croyons abandonnés à notre sort et plus mal que quand nous ne croyions pas. Tout cela va dans le sens de notre salut, de la dilatation de notre cœur, de l’entraînement d’une multitude de frères dans notre sillage afin de jouir ensemble de la vie éternelle à laquelle Dieu nous appelle. Si nous savions la beauté de cette vie, tout notre regard en serait changé.