homélie du 30e dimanche A, 26 octobre 2014
Encore une fois{joomplu:37} des gens essaient de piéger Jésus par ses paroles. Encore une fois il en fait l’occasion d’un enseignement profond, comme auparavant sur le mariage (Mt 19,3) ou sur la vraie autorité (Mt 22, 18). Aujourd’hui (Mt 22,34) il dégage le premier commandement de tout le fatras religieux qui l’entourait. C’est : aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit. Et il associe immédiatement un second commandement, du même ordre : aimer son prochain comme soi-même.
Pour bien vivre ces commandements, ce serait utile de découvrir pourquoi Jésus les associe. J’ai parfois entendu dire qu’on aimait Dieu à travers les hommes — c’est le cas d’une certaine spiritualité conjugale où on prétend faire aimer Dieu à travers son conjoint. Cela me semble curieux. Est-ce digne de l’homme d’être traversé pour qu’on y trouve Dieu ? Est-ce digne de Dieu d’être aimé par ricochet ? Ce qui serait plus juste c’est d’aimer les hommes pour eux-mêmes et d’aimer Dieu pour lui-même. Cela rendrait justice également à tous les non-croyants qui essaient eux aussi d’aimer les autres d’une façon droite.
Il faut aimer les hommes non pas à cause de Dieu mais parce que ce sont des personnes, des êtres vivants d’une sorte particulière qui sont sujet d’amour. On peut avoir de l’affection pour d’autres êtres vivants, mais pour les personnes on doit les aimer comme nous-mêmes. Parce que ce sont des personnes, des êtres à la dignité particulière, des êtres spirituels, c’est-à-dire doués de liberté, de volonté, du pouvoir de promettre et de pardonner. De même, il ne faut pas aimer Dieu comme on aimerait un doudou ou une idée. Dieu est un être vivant qui a un cœur, il est une personne, un sujet de relation, et on l’aime directement, pour lui-même.
Si j’aime Dieu pour lui-même et l’homme pour lui-même, quel lien y a-t-il encore entre les deux commandements ? Le lien c’est que nous faisons partie de la famille de Dieu et que l’amour doit circuler entre tous les membres de cette famille. Dieu a voulu chaque personne personnellement, nous y compris, il a voulu l’existence, la vie, l’être intime de chacun. C’est notre origine et notre présent. Et nous sommes en harmonie avec ce que nous sommes lorsque nous aimons chaque personne qui nous est donnée comme prochain. Si nous n’aimons pas nous tordons et déformons l’image de Dieu en nous. Nous commençons à quitter notre famille divine, celle où nous trouvons la vie. C’est un drame. Si nous aimons, nous nous épanouissons dans le don de nous-mêmes et notre vie devient de plus en plus lumineuse.
Comment aimer Dieu ? De tout notre cœur, c’est-à-dire en demandant à notre cœur de nourrir une grande affection pour Dieu. De toute notre âme, c’est-à-dire en dirigeant vers Dieu les plus beaux de nos désirs vitaux, plutôt que de les exténuer dans la consommation et le divertissement. De tout notre esprit, c’est-à-dire en ne nous contentant pas de la connaissance de Dieu que nous avons reçue à notre catéchisme de profession de foi.
Comment aimer notre prochain ? Comme nous-mêmes ! C’est-à-dire qu’il faut aussi s’aimer soi-même — non pas à cause de nos réussites mais parce que nous sommes bien-aimés de Dieu. Et qu’il faut savoir se mettre à la place de l’autre pour savoir comment aimer. Mettons-nous à la place du mendiant dans la rue, en nous disant : je pourrais être à sa place, et qu’est-ce que je souhaiterais de ceux qui passent ? Mettons-nous à la place de cette famille de réfugiés qui vient de traverser la Méditerranée au milieu de mille dangers pour venir demander une place ici parce que chez eux on meurt de faim. Mettons-nous à la place de ce jeune qui est mis dehors de chez ses parents et qui ne sait plus où aller. Si pour tout cela nous savons résister à la tentation de dire « ce n’est pas mon affaire », si nous savons nous mettre à la place des autres pour les aimer comme nous-mêmes, le monde changera rapidement et notre cœur aussi.