homélie de Noël 2014

Les anges{joomplu:180} sont venus annoncer aux bergers la naissance d’un sauveur (Lc 2,11). Dans beaucoup d’églises on voit inscrit quelque part le monogramme en trois lettres IHS, qui signifie « Jésus, sauveur des hommes ». La foi que nous héritons des apôtres ne nous montre pas simplement Jésus comme un petit homme qui deviendra un grand sage et indiquera la voie, mais comme Dieu qui vient à la rencontre de l’humanité, pour la sauver. On peut alors se demander deux choses  : de quoi vient-il nous sauver ? Et comment nous sauve-t-il ?

En un mot on pourrait dire  : il vient nous sauver du mal. Si beaucoup de monde prend l’existence du mal comme preuve que Dieu n’existe pas ou n’est pas bon, on peut tout aussi bien penser que le mal nous révolte parce que nous sommes créés à l’image du Dieu juste et bon. Nous ne supportons pas le mal parce que Dieu ne le supporte pas non plus. Le mal qui nous blesse ou nous révolte bouleverse Dieu encore davantage que nous.

À ce moment, une très ancienne conception magique de la vie nous fait dire  : si Dieu ne supporte pas le mal et qu’il est Dieu, pourquoi n’y remédie-t-il pas aussitôt en supprimant le mal ? Je dois bien constater que ce n’est pas ainsi qu’il fait, et que donc la pensée magique ne correspond pas à la réalité. Comment dépasser cette vision puérile du monde ? On pourrait le faire en regardant Dieu agir. Dieu ne claque pas des doigts pour faire disparaître le mal — au risque de faire disparaître le pécheur, et donc moi avec, brrr ! — mais il vient dans le monde blessé1. Il prend des risques inouïs, celui d’être un petit embryon fragile confié à la garde de Marie et Joseph, celui d’être un bébé qui devra tout apprendre alors qu’il a inventé tout l’univers, celui d’être un jeune qui doit grandir, se dépasser, faire des choix, renoncer à tout vivre pour faire de grandes choses… Dieu prend ces risques là et il y ajoute le risque d’être incompris, rejeté, et finalement mis à mort parce qu’on ne veut pas vivre comme il le propose.

Voilà en gros comment Dieu agit devant le mal, dans une première partie. Si on en reste là, c’est assez austère, et pas très motivant. Si Dieu vient dans notre monde et que nous, parce que nous préférons l’argent, le confort, la renommée et le pouvoir, nous parvenons à l’éliminer, quel salut y a-t-il ? Noël, c’est sympa mais la nativité reste une parenthèse féerique dans un monde froid et cynique. Il ne reste plus qu’à chercher à s’éclater en oubliant le malheur des autres et le nôtre. Mais on peut aussi chercher à donner sa vie, par idéal, pour que le monde change. Retrousser ses manches, devenir solidaires… En espérant qu’on ne va pas se lasser devant les injustices qui reviennent chaque fois.

Ceux qui ouvrent leur cœur peuvent découvrir qu’ils ne sont pas seuls. Non seulement Jésus a montré l’exemple il y a 2000 ans, mais nous pouvons lui parler, le prendre pour ami, et il nous accompagne. Le Christ est ressuscité. Il donne au cœur qui se tourne vers lui une lumière spéciale, une lumière invincible, une lumière qui remplit d’audace pour aimer même quand on ne voit rien qui change, rien qui s’améliore, rien qui nous comble. La lumière du Christ vivant aujourd’hui rend persévérant pour donner à l’amour de remporter la victoire et pour mettre la vie là où on croit qu’il n’y a que la mort. Ce soir je pense à cette famille américaine2 qui poussée par sa foi a adopté 29 enfants du monde entier, spécialement des enfants handicapés. Je ne dis pas que chacun doit faire ainsi, mais le Christ peut rendre notre cœur à chacun plus grand. Bonne fête de Noël !


1Dans une réponse au mathématicien Odifreddi Benoît XVI faisait remarquer il y a quelques mois que toute vision du monde, pour être crédible, doit se confronter aux grandes questions de la liberté, de l’amour et du mal. Dans toutes les religions il y a des explications sur le mal mais il me semble que le christianisme est la seule où Dieu lui-même prend ce problème à bras-le-corps.

2Paul et Jeane Briggs, lien en anglais.