homélie du baptême du Seigneur, 12 janvier 2014
Ces jours-ci nous{joomplu:160} avons assisté avec consternation à ce qui arrive lorsque des gens choisissent d’adhérer au mal. Et comment réagir ? Ça ne suffit pas de s’indigner. Chacun de nous doit répondre à cela en choisissant d’adhérer plus franchement au bien. Car la frontière du bien et du mal ne passe pas entre les individus, elle passe en chacun de nous. Et il ne suffit pas de ne pas faire le mal pour que l’humanité subsiste, il ne suffit pas de dénoncer, il faut aussi faire activement le bien, et chercher le meilleur, en commençant autour de soi. C’est le vrai combat, où le chrétien doit spécialement s’engager.
Cet effort, nous le menons avec une identité spéciale, une identité renouvelée : nous avons reçu le don du « baptême dans l’Esprit Saint », d’après les mots de Jean le Baptiste (Mc 1,8). « Baptême » veut dire « plongée » ; nous avons été plongés dans l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu ; nous sommes immergés dans une communion au Dieu créateur, et par lui au monde entier.
Par l’Esprit Saint je reçois cette grâce. Par l’Esprit Saint moi qui peux me sentir menacé je suis partout en lieu sûr, partout dans la main du Père, partout vivant pour l’éternité. Par l’Esprit Saint moi qui peux me sentir fatigué par la tentation ou les difficultés de la vie je reçois une force nouvelle, une force pour aimer, une force pour me consacrer à ceux qui attendent le don de ma vie. Je suis fille, fils de Dieu depuis mon baptême, et le monde entier attend que je vive comme cela.
Comment entrons-nous dans cette communion au Dieu vivant ? En nous mettant à vivre en fils, en fille de Dieu. Et qu’est-ce que c’est ? Le baptême de Jésus nous fait entendre la voix du Père disant : « tu es mon Fils bien-aimé ! En toi je trouve ma joie » (Mc 1,11 citant Is 42,1). Apprenons donc de Jésus ce que c’est que vivre en fils. Nous découvrirons que c’est recevoir chaque minute comme un don de Dieu et choisir de la remplir comme Dieu le voudrait1. Nous occupons notre temps comme nous le voulons (loisirs de toutes sortes) ou comme la société nous l’impose : travail, rendez-vous, obligations sociales, nécessités familiales, etc. Eh bien ce n’est pas vivre en fils de Dieu ! Le fils de Dieu n’occupe pas son temps comme il en a envie ou comme il est bien obligé, il se situe à un autre niveau : il occupe le temps de Dieu, il vit dans le temps de Dieu, il vit son temps comme le temps habité par le Dieu de l’univers. Cela se fait dès maintenant : regarder cette minute comme celle où je vis en connivence avec mon Dieu, où je fais ce qu’il aime, parce que je l’aime. Et cela est mon bonheur parce que ce qu’il aime c’est justement ce qui me comble le plus.
Vivre dans le temps de Dieu, cela se fait autant au milieu des autres que seul dans sa chambre. À l’école, au travail, au milieu de la ville ou à la maison. Vivre dans le temps de Dieu, c’est l’affaire d’une attention du cœur, une attention soutenue pour que rien ne m’échappe de ce que Dieu me montre, quand il me montre un frère, une sœur à qui sourire ou tendre la main, quand il me suggère une démarche. Pour que rien ne m’échappe non plus de ce que Dieu me donne, quand il me rassure de mes inquiétudes, quand il me console de mes manques, quand il me fortifie de mes faiblesses.
1. Cf. Hans Urs von Bathasar, Théologie de l’histoire, p.40 : « Dans le Fils, la réceptivité pour la volonté de Dieu fonde le temps. Dans sa réceptivité il reçoit du Père aussi bien le temps en général que le contenu du temps, et même les deux choses en une : il reçoit le temps à chaque instant comme le temps du Père. Il n’y a pour lui aucun temps vide qui pourrait être rempli avec un contenu indifférent. Avoir du temps signifie pour lui avoir du temps pour Dieu, et c’est là ce qui équivaut à recevoir le temps de la main de Dieu. »