homélie du 4e dimanche de carème – Jn 3,14-21
Jésus nous{joomplu:373} parle aujourd’hui d’un monde où on se perd, et qui a besoin d’être sauvé. Ce monde, c’est celui qui fait vivre les êtres humains d’aujourd’hui dans un grand vide. Notre vie a-t-elle du sens ? Qu’est-ce qui vaut assez pour que nous y mettions toutes nos énergies ? Serait-ce la famille, alors que tant de familles se déchirent ? Serait-ce le travail, alors que les restructurations mettent tant de monde au chômage ? Serait-ce un amour fidèle, quand il y a tant de trahisons ? Qui est encore digne de confiance ? Un grand auteur disait récemment : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, lorsqu’un jeune de 15 ans demande à son père : papa, quel est le sens de la vie ? Celui-ci se tait. Voilà le monde où on se perd.
Une opposition me frappe dans le texte aujourd’hui : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » (Jn 3,16) Tandis que l’homme moderne imagine qu’échapper à la perdition c’est vivre une vie bien remplie, Jésus parle d’obtenir la vie éternelle. Pourtant, dira-t-on, il y a tant de belles choses à faire avant ! L’expression « obtenir la vie éternelle » fait penser à une vie qui a du sens jusqu’au bout, une vie qui même quand elle touche à sa fin se sent ouverte sur un accomplissement, une plénitude éternelle. C’est intéressant de noter que dans notre culture la fin de vie est le moment qui concentre l’impression de non-sens qui envahit le monde. C’est le moment où on dit : la vie n’a plus de sens, il faut pouvoir y mettre fin par l’euthanasie. C’est le moment où l’amour ne parvient pas à faire reculer l’impression de non-sens, parce qu’on ne sait plus ce que c’est que l’amour, qu’on ne sait plus le donner : on pense qu’échanger de l’amour c’est passer de bons moments ensemble, être utiles les uns aux autres, apporter quelque chose d’utile à quelqu’un, alors qu’échanger de l’amour c’est d’abord dire : je suis là près de toi, je suis là pour toi. Être une personne à côté de la personne, être une personne pour une personne, c’est le propre de l’être humain1. Un tel amour peut faire reculer l’impression de non-sens d’une vie où on ne sait plus rien faire qu’être là.
Dieu a tant aimé ce monde, il n’a pas voulu qu’il s’abandonne à ses impasses, à son non-sens. Il a envoyé son Fils, ce Fils que beaucoup exultent de pouvoir refuser un peu plus2, ce Fils qui est venu pour nous, pour nous aimer et nous sauver.
Le salut du monde c’est une lumière : la lumière est venue dans le monde. Cette lumière, on peut la fuir ou venir la goûter. La fuir c’est choisir les ténèbres, commencer à s’enliser. Y venir c’est renoncer à l’égoïsme et à l’utilitarisme, c’est commencer à vivre comme Jésus, c’est entrer dans l’amour, dans le don de soi jusqu’au bout. La lumière se met à nous pénétrer de plus en plus. Comme une aube continuelle. La vie éternelle, c’est la victoire de l’amour. Elle nous donne l’espérance que tout amour donné sur la terre s’épanouira infiniment. Elle nous fait percevoir que la seule valeur sur terre c’est l’amour. Ce n’est pas l’autonomie, la richesse, le fait d’être connu, d’avoir du confort, de voyager, etc. C’est l’amour, c’est le temps consacré à l’un et à l’autre par amour.
Jésus annonce tout cela en évoquant le moment où il sera dressé sur la croix (Jn 3,14). Notre recentrement sur l’amour, que nous pouvons donner dans toutes les situations, même dans la dépendance, même dans les échecs, cela nous permet de vivre sans la peur de la croix, ou plutôt de commencer à en avoir moins peur, à ne pas réagir seulement en fuyant la souffrance. Le salut entre dans nos vies par le chemin d’amour que le Christ inaugure en venant dans le monde, qui passe par la croix et qui va jusqu’au ciel.
1Voir Jean-Paul II, Homme et femme il les créa, p.53.
2Voir les commentaires cette semaine autour de la déclaration du conseil constitutionnel au sujet du cours de religion à l’école.