homélie du Jeudi Saint 2015
Parfois nous{joomplu:376} sommes gênés par certaines expressions de la foi comme «Seigneur», «maître», «Dieu tout-puissant», etc. Il y a en effet une vision mondaine de ces réalités qui ne cadre pas avec la foi, avec l’attitude de Jésus, avec l’amour actif de Dieu. Résistons à la tentation de tout balayer, afin de pouvoir accueillir l’Évangile dans toute sa richesse. L’Évangile qui aujourd’hui nous dit : «Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres» (Jn 13,13-14).
Ainsi donc, rendez-vous compte : le Fils unique du Dieu très-haut, du Créateur du ciel et de la terre, vient nous laver les pieds, et il ne vient pas le faire en général mais en particulier à chacun, passant de l’un à l’autre, amoureusement. Que nous arrive-t-il? Qui nous donnera de prendre la mesure d’un tel geste? Qui nous aidera à être suffisamment bouleversés par une telle démarche?
C’est bon de perdre un peu son temps à se laisser émerveiller par cet amour personnel de Dieu pour nous. On peut le faire dans la prière, dans l’adoration, dans la messe… Ainsi nous n’irons pas servir les autres en soufflant, en accomplissant un devoir de bon chrétien, en nous prenant pour le sauveur du monde, mais nous irons le cœur attendri, nous irons parce que nous répondons à un amour qui nous appelle, qui nous dit «va!», qui nous saisit. Toutes les initiatives chrétiennes de service sont des réponses au grand service que le Fils de Dieu a accompli envers nous parce qu’il nous aimait. Vivre ainsi est la seule façon d’avoir un amour qui n’est pas fatigant mais lumineux. Un amour dont tant d’hommes et de femmes ont besoin dans notre monde froid et dur. Pouvoir venir à quelqu’un avec dans le regard quelque chose comme: «je viens t’aimer car je suis tant aimé». Ce n’est pas qu’on sente si souvent l’amour de Dieu, mais on le sait, on l’entend dire par ceux qui annoncent l’Évangile, on peut le rappeler à son cœur, on peut consciemment en faire le fond d’écran de ses pensées et de ses raisonnements.
Le service qu’accomplit le Christ est un service que nous devons imiter, et en même temps c’est un service inimitable, un service qui n’est pas seulement une bonne action mais qui consiste à accepter d’être livré, d’être dépossédé de sa vie, par amour. Au dernier repas avec ses disciples Jésus prend le pain et dit : c’est mon corps. Et nous comprenons bien que si Jésus mourrait dans son lit ou d’un accident fortuit il n’aurait pas pu faire l’eucharistie. C’est parce qu’il fut livré et qu’il l’a accepté par amour qu’il peut nous donner aujourd’hui son corps par amour. Rien n’arrête le Christ dans sa décision de se donner intimement à nous. Et il est là, nous pouvons l’adorer. Nous pouvons nous laisser aimer d’un amour immérité et si réel. Laissons-nous rejoindre et envahir par cet amour tellement déraisonnable.
Grâce à la première lecture vous avez compris pourquoi nous appelons Jésus l’agneau de Dieu. Il est l’agneau dont le sang protège pour toujours ceux qui acceptent d’en être marqués, c’est-à-dire pas seulement de venir prendre la communion, mais communier de tout leur cœur à ce que le Christ leur montre comme chemin resserré et comme porte étroite pour entrer dans la vie (Mt 7,13). Communier à cela, qui n’est pas facile, parce qu’ils n’oublient pas qu’ils sont tant aimés.