homélie du 6e dimanche de Pâques, 1er mai 2016
Comment{joomplu:10} est-ce possible qu’il y ait une Église qui a autorité pour enseigner au nom de Dieu ? Devons-nous vraiment écouter l’Église, et qu’est-ce que cela signifie ? Voilà les questions que je voudrais aborder aujourd’hui, car le Seigneur a dit à ses apôtres : « l’Esprit de vérité […] que le monde est incapable de recevoir parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas, […] lui le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit… » (Jn 14)
Cette parole nous ouvre à une première réalité : si les apôtres ont transmis fidèlement l’enseignement du Christ et l’œuvre de sa vie, de sa mort et de sa résurrection, ce n’est pas seulement à cause de moyens mnémotechniques, mais c’est un don de Dieu, une action de l’Esprit Saint. À quoi bon, en effet, toute l’œuvre du Christ, si elle devait être perdue ou déformée ? On comprend que Dieu ait agi abondamment pour que l’Évangile soit transmis en vérité.
Cette action de transmission, cette « tradition », la Sainte Trinité veut continuer de l’opérer continuellement, en faveur de toute l’humanité. À cause de cela, Dieu s’engage dans l’enseignement de son Église, qui n’est pas qu’une affaire humaine à la manière de nos démocraties. Dans l’Église catholique on ne vote pas des choses majorité contre opposition, mais on cherche quelque chose de plus : l’unanimité dans l’Esprit Saint. Par exemple, les Constitutions du Concile Vatican II sont votées dans des proportions de 2200 oui contre 20 non. On fait comme ça depuis les apôtres, depuis ce fameux Concile de Jérusalem dont la première lecture nous a livré les conclusions (Ac 15).
Ce premier Concile buttait sur une question nouvelle : peut-on admettre comme disciples du Christ des gens qui ne cherchent pas à appartenir au peuple juif, au peuple de la promesse, en vivant selon la loi de Moïse, alors que le Christ vient comme accomplissement de cette promesse ? C’est la première de tant de questions nouvelles qui se poseront au cours des siècles : quels rapports entre la foi et la philosophie ? Comment comprendre la divinité du Christ et son humanité ? Quels rapports l’Église doit-elle entretenir avec tel régime politique ? Comment s’adresser aux hommes de notre époque ? Comment discerner ce qui est bon et ce qui est mauvais dans les possibilités technologiques actuelles ? Tout ça n’est pas noir sur blanc dans l’Évangile, mais cela concerne la vie humaine et la foi, et Dieu a tout cela à cœur. Alors, comment discerner ce qu’il nous dit, comment rester fidèles ?
Puisque l’Esprit Saint qui doit nous guider est l’Esprit d’amour, c’est dans l’unité de l’amour que nous pouvons voir clair. Personne n’a l’Esprit Saint seul contre tous, c’est impossible. Personne n’a non plus l’Esprit Saint en vivant une vie de tiédeur et en cherchant des accommodements plus ou moins confortables avec la vie du monde. L’Esprit Saint ne réside pas dans l’adaptation à la vie comme tout le monde ni à l’opinion publique, même s’il pousse à exprimer l’amour de Dieu et son appel dans un langage adapté à tout le monde. Le Concile Vatican II précisait1 que le peuple de Dieu vit dans l’Esprit Saint lorsqu’il croit, qu’il vit l’amour et qu’il loue Dieu. Alors, dit-il, « la collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi ». Elle a un « sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier », et qu’elle vit lorsqu’elle marche dans l’unité, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs2 ». Alors, « le Peuple de Dieu reçoit non plus une parole humaine, mais véritablement la Parole de Dieu (cf. 1 Th 2, 13), il s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes (cf. Jude 3), il y pénètre plus profondément par un jugement droit et la met plus parfaitement en œuvre dans sa vie. »
Vous voyez que la question de l’autorité de l’Église ne se réduit pas à : que dit le pape ? Elle doit s’accompagner d’un : comment vivent les chrétiens qui cherchent à se convertir ? C’est tous ensemble, le pape, les évêques, les fidèles chrétiens qui témoignent de la vérité que l’Esprit leur fait découvrir. Ne restons pas à la traîne en nous demandant : qu’est-ce que j’admets et qu’est-ce que je n’admets pas, qu’est-ce qui me plaît chez ce pape, qu’est-ce que le préférais chez le précédent, etc. Mais entrons dans ce grand témoignage en faveur de la présence de Dieu qui change nos vies. Il y met une paix qui nous permet d’aimer avec bien plus d’audace que nous pensions possible de le faire.
1Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium, No 12.
2Citation de saint Augustin, De Praed. Sanct. 14, 27 : PL 44, 980.