homélie du 5e dimanche de carême A, 2 avril 2017
La mort{joomplu:44} nous bouleverse. La mort d’un proche aimé est une des choses les plus terribles qui arrivent dans une existence. L’évangile aujourd’hui nous aide à comprendre comment Dieu se rend présent à nos côtés et ouvre un chemin de vie.
À première vue la façon dont Dieu affronte la mort ressemble surtout à une belle histoire du passé. Jésus a perdu un ami, mais par sa puissance il lui rend la vie. Et nous, nous regardons cela, nous sommes peut-être contents ou émerveillés, mais nous continuons quand-même d’enterrer nos morts et ce récit ne semble pas changer grand-chose. Ce sont les apôtres qui nous mettent sur la piste d’une donnée plus profonde. Ils s’exclament : ne retourne pas en Judée pour Lazare, car les Juifs veulent te tuer. Et devant l’obstination de Jésus à aller redonner vie à Lazare ils disent : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » (Jn 11,16) En réalité les apôtres se montrent perspicaces sur la triste réalité du monde, car aussitôt après la résurrection de Lazare les Grands Prêtres et les pharisiens tiennent conseil et décide de tuer Jésus (v.50-53).
Jésus ne ramène pas Lazare de la mort à la vie comme ça en passant. Son action vient perturber profondément le pouvoir du mal et de la mort, et il lui faudra aller jusqu’au bout de la lutte, lui qui est « la résurrection et la vie » (v.25). Ressusciter Lazare près de Jérusalem, c’est pour Jésus enclencher le combat final contre le mal, le combat de la fidélité à son Père coûte que coûte. C’est le combat qui consiste à racheter le chemin d’Adam vers la mort. Le récit d’Adam raconte comment le caractère tragique de la mort est entré dans l’humanité par la méfiance envers Dieu. Jésus vit au cœur d’une humanité créée pour la vie — on voit bien que nous sommes créés pour la vie, à ce que la mort nous choque tant — qui s’est coupée de la source de la vie pour vivre selon son bon plaisir, pour n’en faire qu’à sa tête et se méfier de Dieu. Lui le Fils de Dieu, qui s’est fait l’un de nous mais que tous voient comme un étranger à éjecter, va remonter le fil de la méfiance par sa fidélité, et faire confiance à son Père alors qu’il ne voit rien — c’est ce qui se joue lors de l’agonie à Gethsémani (Mt 26,30) et tout au long de la passion, jusqu’au cri qui déchire l’univers : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ! » (Mt 27,48) Et par sa confiance jusque dans la souffrance qui détruit, le Christ va mettre un terme au pouvoir implacable de la mort. Son Père l’arrache à la mort, il devient le premier-né d’entre les morts (Col 1,18).
Celui qui veut bénéficier de la victoire du Christ sur la mort doit faire le chemin lui aussi, dans les mêmes dispositions que son Sauveur, c’est-à-dire dans la foi. La foi n’est pas la monnaie d’échange pour obtenir les bienfaits de Dieu, mais elle est le chemin de l’amour qui se met en route vers Dieu. C’est pourquoi nous ne vivons pas dans l’évidence, nous ne voyons pas nos morts sortir du tombeau. Mais nous accueillons la victoire du Christ par le même chemin de conquête, la foi. le Christ est à nos côtés, il sait bien que nous ne pouvons pas faire seuls les étapes qu’il a franchies. Lui qui est la résurrection et la vie nous encourage comme il encourageait Marthe et Marie. Et nous regardons sa résurrection pour sourire vers le ciel et nous dire : un jour ça sera moi, un jour ça sera toi !