homélie du 13e dimanche B, 1er juillet 2018
La mort{joomplu:15} nous plonge toujours dans la détresse et souvent dans la révolte. C’est un des moments où on crie vers Dieu : pourquoi ? Que fais-tu ? Où es-tu quand tout cela arrive ? C’est normal que la mort nous mette dans cet état, car nous sommes créés à l’image de Dieu et que « Dieu n’a pas fait la mort » (Sg 1,13) : « c’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 2,24) et nous souffrons de son œuvre de destruction qui essaie de nous dresser contre Dieu. Dieu est la source de la vie et le diable veut, par la mort, nous révolter contre lui comme il s’est lui-même révolté.
Allons-nous faire son jeu ou proclamer avec la Parole de Dieu : « ce qui naît dans le monde est porteur de vie » (Sg 1,14) ? Le chemin de la lumière et de la vie, c’est de s’émerveiller de la bonté de la vie, de toute vie. Accueillons l’appel de Dieu notre Père qui nous dit : sois vivante, sois vivant ! Rendons grâce d’être créés pour la vie par le Père ; créés pour une vie que le temps qui passe ne limitera pas : la vie éternelle.
Il faut se mettre dans ces dispositions d’esprit, mais cela ne serait que de la méditation de pleine conscience s’il n’y avait pas quelque chose de plus concret : le salut. C’est beau de se connecter aux vibrations de la vie, mais nous ne devons pas être limités par un « pourvu que ça dure, pourvu que je parvienne à me tailler toujours une part de bonheur ! » Un seul nous délivre de la peur et du repli sur nous-mêmes : Jésus, le Christ.
Bien plus fort que tous nos efforts personnels, le salut qu’amène le Christ vient contrecarrer la destruction opérée par le malin. Ce salut ne vient pas comme une solution générale, comme un vaccin contre le mal. Il passe dans une relation personnelle, comme le montre l’évangile aujourd’hui. Une femme, fatiguée de toutes les techniques humaines de santé, essaie de toucher Jésus en se disant : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » (Mc 5,28) Un notable vient tomber aux pieds de Jésus en le suppliant de venir sauver sa fille mourante. Lorsque la femme le touche et est guérie, Jésus ne veut pas d’une solution anonyme au mal, il cherche à poursuivre la relation avec cette femme délivrée, il veut la retrouver dans la foule et échanger une parole avec elle. Lorsque la petite fille est ressuscitée à la vie, Jésus ne veut pas qu’on en fasse une publicité impersonnelle comme dans les journaux ou les médias sociaux : il demande que personne ne le sache, sinon ceux qui étaient là, qui ont été avec lui. Jésus demande « qui m’a touché ? » et il dit « ne dites rien à personne ! » : il ne veut briser le pouvoir du mal que dans la relation personnelle.
Hors de la relation personnelle avec Dieu on ne comprend rien à ce qui arrive. On en est réduit à demander des comptes à Dieu, à lui tourner le dos. Mais celui qui entre en relation avec Dieu comprend le sens de sa vie, parvient à situer ce qui est douloureux à sa juste place, sans conclure que Dieu ne l’aime pas ou qu’il est distant ou qu’il ne peut rien de concret dans sa vie.
Celui qui se fait ami de Dieu coûte que coûte, celui qui dit : je ne peux pas être vivant sans toi. Sauve-moi !, celui-là voit Dieu à l’œuvre, même si ce n’est pas selon les critères de rentabilité, de succès, de réussite habituels. Il sent qu’il n’est pas seul, il sent que ce n’est pas inutile de prier, comme le pense celui qui reste hors de la relation avec son Père du ciel. J’ai vu récemment une étude scientifique où on essaie de tester l’efficacité de la foi en regardant la prière de l’extérieur, comme un objet matériel. Ça ne marchera jamais, on ne verra jamais rien comme cela. L’attitude de Jésus le prouve, quand il ne donne pas de vaccin contre le mal mais guérit dans la relation.
Celui qui se bouge pour le Seigneur découvre que Lui, son Père du ciel, est là et veille sur lui concrètement. Notre Père est tellement sensible à tout ce que nous vivons. Cela l’atteint tellement plus que nous n’imaginons. Il nous regarde sans cesse, guettant notre cœur, pour le fortifier, pour le consoler.
Enfin, en progressant dans la foi nous découvrons encore plus : en se faisant allié inconditionnel du Christ, nous sommes collaborateurs d’une grande œuvre, car nous devenons même capable de participer au combat du Christ contre le mal. Jésus explique que lors de la guérison de la femme aux pertes de sang, une force est sortie de lui. Ce combat lui coûte, et il exigera de lui la force qui sort de son offrande sur la croix. À notre tour nous pouvons faire des occasions où nous sommes diminués — physiquement, socialement — des lieux d’où jaillit l’aide au combat du Christ. Jésus rend notre offrande efficace avec la sienne. Il nous donne sa force pour oser cela, et même celui qui se sent le plus inutile peur entrer dans cette collaboration inouïe. « Avec Dieu nous ferons des exploits » (Ps 60,12).