homélie du 7e dimanche C, 24 février 2019
Aujourd’hui{joomplu:545} je voudrais vous faire comprendre un peu la puissance toute divine que le Christ nous invite à déployer contre le mal. Et soyons clairs tout de suite : si c’est une puissance divine, lui seul peut nous en donner la force.
Je vous raconte une histoire, qui se passe dans un village au Vietnam, là où on cultive le riz en terrasse dans des petites parcelles étagées qu’il faut alimenter en eau. Dans ce village il y a une petite communauté chrétienne, protestante, au milieu de villageois d’autres religions. Des paysans chrétiens s’aperçoivent que les voisins d’en-dessous ont percé la digue qui sépare les parcelles, afin que l’eau du dessus tombe dans leur rizière. Ils savent que l’évangile demande de pardonner à ceux qui nous font du tort, alors ils réparent la digue et continuent le voisinage comme si de rien était. Mais le vol d’eau se reproduit encore et encore, si bien que la famille chrétienne perd patience et va trouver le pasteur pour lui dire que l’évangile, c’est invivable. Alors ils prient et réfléchissent ensemble, et découvrent que c’est à autre chose que l’Esprit Saint les invite. Alors ils réparent à nouveau la brèche et, au moment de la corvée d’eau, avant de remplir leur rizière, ils remplissent la rizière de leurs ennemis du dessous. Et puis seulement la leur. Les voleurs d’eau n’en croient pas leurs yeux. Comment ces gens peuvent-ils non seulement supporter le mal que nous leur faisons mais nous rendre un bien en retour ? Et un chemin s’est ouvert dans leur cœur, et ils se sont mis à changer de vie.
Cette histoire peut nous faire comprendre ce que le Christ nous dit : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. » (Lc 6,27 ss). Le Seigneur ne nous demande pas de supporter passivement l’injustice, mais il nous met dans une attitude offensive contre le mal, tout en considérant que l’agresseur est encore un enfant de Dieu que Dieu appelle. Le Seigneur nous demande de trouver l’attitude qui va mettre l’injuste en mouvement, qui va le désarçonner de son attitude de tyran ou d’exploiteur. C’est une authentique non-violence qui, loin de considérer que nous vivons dans un monde de bisounours, cherche à réparer au plus profond le cœur qui commet le mal. C’est en définitive l’attitude la plus réaliste devant le mal qui abîme l’humanité. On se refuse ici de désespérer de l’homme. On veut croire qu’il peut encore changer, qu’un chemin peut s’ouvrir dans son cœur. On veut croire à l’action du Saint-Esprit en lui.
Cette attitude n’est pas du tout celle des faibles, mais de ceux qui sont forts. Et s’ils sont si forts, ce n’est pas d’eux-mêmes, cela ne peut être que de Dieu. Seigneur, donne-nous la force de vivre cela ! De donner ce coup de téléphone à cette personne qui m’a blessé, de prendre de ses nouvelles, de lui proposer un service. Aide-nous à faire le premier pas, à être des artisans de paix ! Donne-nous une bonté brûlante et efficace, car la mesure dont nous nous servons pour les autres servira de mesure pour nous aussi.
Ainsi nous sommes vraiment « du ciel » (1 Co 15,48), citoyens du ciel, du ciel que nous partagerons avec nos ennemis qui se seront convertis comme nous à l’amour du Père. Nous aurons tellement plus de joie que de les imaginer rôtir en enfer, surtout que nous ne sommes jamais à l’abri d’une inversion des rôles. Paix et joie à vous qui cherchez Dieu !