homélie du 24e dimanche C, 15 septembre 2019
{joomplu:20}En nous parlant de la miséricorde, ces paraboles (Lc 15) nous parlent de Dieu et de son cœur. Un cœur qui éprouve de la joie quand un seul pécheur revient, quand quelqu’un qui est perdu est retrouvé. Et aussi un cœur qui éprouve la peine et l’inquiétude lorsque l’homme s’éloigne, se perd. L’homme n’imagine pas cette peine, il ne voit souvent que son intérêt. Alors il nous est bon de nous demander :
Pécher, qu’est-ce que c’est ? D’après ce que nous avons vécu quand nous étions enfant, nous pensons que pécher c’est désobéir. D’après notre expérience passée, la peine de la désobéissance est la punition, plus ou moins arbitraire, normalement proportionnelle à la gravité ; mais avant cela, quand nous désobéissions, nous prenions parfois bien du bon temps. Parfois nos parents nous interdisaient quelque chose qui était directement nuisible, et alors ils ne devaient pas nous punir, nous avions aussitôt les effets de la justice immanente, comme quand nous nous brûlions à jouer avec des bougies, ou que nous nous blessions à faire les fous dans les fauteuils. Enfin, parfois nous cassions quelque chose et nous nous engagions à réparer, à payer les dégâts selon nos possibilités. Trois possibilités donc : une punition décrétée par les parents, une punition qui venait de la nature du mal commis, ou une punition par la réparation. Et avec Dieu et le péché, est-ce la même chose ?
Beaucoup de gens le pensent, d’autant plus que le pécheur ne souffre pas, au début, de s’éloigner de Dieu. C’est même chouette de n’avoir que soi pour maître. Le fils prodigue de la parabole s’amuse bien. Mais voilà, pécher, même si à première vue c’est prendre du bon temps à part de Dieu, en réalité pécher, c’est être perdu, et en définitive c’est fort triste. Pécher c’est se retrouver seul, isolé, à la merci de tous les vents contraires, privé de la paix intérieure, plus proche de la ténèbre que de la lumière. Non pas d’abord à cause des remords, même s’il peut y en avoir. Non pas parce que Dieu enverrait une punition du haut du ciel — je n’ai jamais vu cela. Non pas parce qu’il bouderait, se cacherait en représailles. Mais parce que nous perdons nous-même le chemin vers son cœur, qui est la source de la paix et de la lumière. Pécher, c’est ne plus espérer l’intimité de Dieu, en venir à tout au plus espérer être accepté comme serviteur. Pécher, c’est se couper de la vie profonde, et finir par envisager avec Dieu une relation de commerce : je rentre dans le rang et tu ne me punis pas !
Le pécheur que nous sommes ignore le cœur de Dieu. Il lui manque de contempler la douceur et l’ardeur du cœur de son Père. Il faut nous rappeler que Dieu est passionné de tout homme. Il n’est pas tranquille quand il nous voit nous éloigner. D’une part il sait que nous pourrons nuire à autrui, ou à nous-mêmes, ou à la Création. D’autre part, il nous aime vraiment, et c’est une peine pour lui de vivre l’indifférence ou l’hostilité de l’homme. Son cœur en souffre. Le nôtre aussi d’ailleurs, mais souvent nous n’en sommes pas conscients, parce que nous n’imaginons pas de quelle lumière et de quelle paix nous nous privons.
Nous sommes prêts à comprendre pourquoi il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. Parce que Dieu nous aime vraiment, toute peine disparaît en lui quand il nous voit revenir. Il n’est pas question de comptes à rendre pour celui qui revient sincèrement, de tout son cœur, à son Dieu. Et même s’il ne revient pas encore très sincèrement, la façon dont Dieu lui fait la fête l’amènera à des sentiments vraiment filiaux : on lui passe l’anneau du fils (Lc 15,22).
Il reste encore un point à aborder. Quand nous étions enfants, nous nous engagions parfois à réparer, car nous étions conscients des dégâts. Lorsque nous péchons, nous blessons souvent les autres ou nous-même ou Dieu d’une façon irréparable. Mais Dieu veut être juste avec celui que nous offensons. Il ne dit pas : ce n’est pas grave ! Mais il ne dit pas non plus : maintenant tu dois payer. Que fait-il, que dit-il ? Il agit autrement : le Fils de Dieu prend sur lui le péché de chaque homme, la destruction que ce péché opère dans le cœur des personnes. Il en meurt. C’est la croix. Et il donne un sens à cela : le rachat. Il dit : « tu ne dois pas payer, je t’ai racheté. Je suis le rédempteur de l’homme. Viens à moi, crois en moi, et tu vivras. »