homélie du 4e dimanche ordinaire, 31 janvier 2021
{joomplu:189} L’activité de Jésus, dont nous parle les évangiles, a lieu dans un contexte d’attente messianique. Le peuple hébreu est un peuple qui attend un messie, un envoyé spécial de Dieu. Le texte entendu en 1re lecture (Dt 18) annonce qu’un prophète comme Moïse est promis par Dieu. Cette prophétie, avec plusieurs autres d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel, entretenait une attente de plus en plus forte en Israël. Dans le livre du prophète Daniel, au chapitre 9, on évoque un temps de 70 semaines pour la venue d’un messie. Certains avaient déduit de ce chiffre énigmatique que ce temps correspondait aux années précédant Jésus. C’est ainsi que saint Luc peut dire qu’au moment du baptême de Jésus « le peuple était dans l’attente » (Lc 3,15). Quand le prophète tel que Moïse viendra-t-il ? Bien des gens simples, des « pauvres de cœur » avaient les yeux tournés vers la venue du Messie et étaient plus ou moins prêts à l’accueillir.
Cette situation où les gens attendent quelque chose de Dieu tranche avec notre culture où on se refuse à compter sur Dieu, où on préfère organiser notre vie sans référence à lui. Mais à l’époque de Jésus, l’attente du Messie n’était pas partagée par tous. Il y avait aussi les gens du Temple et les pharisiens qui, tout en se considérant comme religieux, étaient plutôt embarrassés par l’attente du Messie. Ils faisaient beaucoup d’efforts pour organiser un certain ordre social, prétendûment religieux, mais où la place de Dieu était strictement encadrée. Parler d’un messie héraut de l’amour de Dieu qui cherche ses enfants comme des brebis égarées, il n’en était pas question !
Alors arrive le prophète tel que Moïse : c’est Jésus. En lui se réalise la prophétie : « je mettrai dans sa bouche mes paroles » (Dt 18,18). Dans sa bouche, il y aura la parole de Dieu. Et même il sera la Parole, comme nous le disons après chaque lecture de l’Évangile. Quelle joie d’accueillir cette visite de Dieu ! Quelle joie de savoir que le Dieu de l’univers s’est ainsi approché de l’humanité, que les esprits mauvais et toutes les forces qui cherchent à détruire l’homme sont désormais contestées et combattues efficacement !
Oui, le Royaume de Dieu s’est vraiment approché, et il nous reste une chose à faire : le chercher et l’accueillir. Dimanche passé, Jésus demandait : « convertissez-vous ». Aujourd’hui nous découvrons un aspect de cette conversion : accueillir son autorité dans nos vies. Les gens de Capharnaüm disent : « voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! » L’autorité de Jésus a un lien avec la vérité de sa parole. On peut le croire, ce qu’il dit est très fort, pénètre au plus intime de nos cœurs, met devant nos yeux toutes nos contradictions. Devant lui, devant son autorité, il n’y a rien qui peut se cacher et on ne peut plus se raconter d’histoires à soi-même.
Devant sa présence et sa parole, on peut se boucher les yeux et les oreilles, parce que ce qu’il dit et ce qu’il est nous remet trop en question. Ou bien on peut accueillir son autorité, et commencer à être sauvé. L’autorité, auctoritas, n’a rien à voir avec la force brutale, mais avec le développement de l’être, avec la croissance. Augere signifie augmenter, faire grandir. C’est un grand bienfait d’accueillir l’autorité du Christ dans nos vies, de l’écouter, de lui obéir. Comme également c’est un grand bienfait quand des parents exercent une belle autorité sur leurs enfants, conscients de leur responsabilité de les faire grandir.
Accueillir l’autorité du Christ passe notamment par une lecture bienveillante des Écritures, par un accueil du cœur. « Ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ », disait saint Jérôme. Souvent nous sommes tentés de filtrer dans les évangiles ou les lettres de saint Paul ce qui nous arrange. Or, la Parole, on n’en est pas juge, elle est à accueillir. Seigneur, que veux-tu me dire ? Qu’est-ce que tu m’invites à changer pour mettre cette parole en pratique ?
Nous trouvons un exemple concret dans l’épître de saint Paul d’aujourd’hui. La tentation est grande de balayer tout cet éloge du célibat pour le Royaume, de dire : c’est dépassé. Ou alors nous ouvrons notre cœur à ce qui est dit. Pour rappeler au mari qu’il ne doit pas oublier de chercher à plaire à sa femme, et réciproquement. Pour se rappeler les soucis nobles de la vie de famille : le soucis des enfants et de leur éducation, le souci du bien être de sa femme, de son mari, l’attention l’un à l’autre, la construction d’une harmonie, et le souci du progrès spirituel de son conjoint. Pour redire aussi que le célibat est beau quand il permet de mettre avant toute chose le souci des affaires du Seigneur. Oui, c’est un bien, cessons de dire aux prêtres : c’est quand même dommage que vous ne pouvez pas vous marier. À celui qui me dira encore qu’on peut être autant aux affaires du Seigneur quand on est marié, je répondrai dorénavant : eh bien, tu ne t’occupes pas beaucoup de ta femme !