homélie du dimanche de la Sainte-Trinité, 30 mai 2021
{joomplu:557} J’ai rencontré des chrétiens pour qui la Trinité c’était surtout des complications dont ils se passeraient bien, des vains débats de théologiens qui n’apportent rien. Pourtant, la connaissance de la Sainte-Trinité est un trésor de la foi chrétienne. Dieu nous fait le cadeau merveilleux de connaître un peu de son intimité. Et non pas pour satisfaire notre curiosité, mais pour que nous nous préparions à y entrer et que déjà maintenant nous en vivions. Voilà pourquoi accueillir et méditer le mystère de la Sainte-Trinité est incontournable pour un chrétien : Dieu nous le fait connaître car nous y sommes destinés.
La foi chrétienne dit quelque chose d’original sur Dieu, à quoi nous tenons beaucoup : nous disons que Dieu est amour. Ce n’est pas seulement pour dire qu’il aime, entre autres activités, mais qu’il est l’amour en lui-même. C’est son identité la plus profonde, et cela marque tout ce qu’il fait. Tout l’acte de la Création, l’origine de l’univers, c’est un acte d’amour. L’existence de chaque être humain, désiré ou non, c’est un acte d’amour. La Révélation de Dieu à l’humanité, c’est un acte d’amour. Dieu qui guide son peuple, et aussi qui l’interpelle et qui le secoue, c’est un acte d’amour. Le Christ qui donne sa vie pour la rédemption de la multitude, c’est un acte d’amour. Tout cela vient de Dieu qui est amour en lui-même.
Mais comment Dieu peut-il être l’amour en lui-même ? On ne peut pas être l’amour si on est tout seul. Ce serait nous mettre à une mauvaise place de penser que Dieu attendait l’humanité pour pouvoir être l’amour. Pourtant, Dieu est unique, toute la Bible le dit, et nous ne sommes pas des polythéistes. Alors, comment Dieu peut-il être l’amour ? C’est Jésus qui nous révèle par petites touches le secret de Dieu. Lui, Jésus Christ, est le Fils bien-aimé du Père (Lc 3,22), il fait tout ce que le Père fait et cela seulement (Jn 15,9; Mt 26,39), lui et le Père sont un (Jn 10,30), personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et personne ne connaît le Fils sinon le Père, et celui à qui le Père veut le révéler (Mt 11,27). Et cette révélation, il la fait par l’Esprit Saint, que le Père nous envoie en son nom (Jn 14,26), qui prend ce qui est à lui pour nous le faire connaître (Jn 16,14).
De toutes ces petites touches par lesquelles Jésus nous dépeint le mystère de Dieu, l’Église a petit à petit esquissé ce qu’on appelle le dogme de la Trinité. Il y a un seul Dieu, et trois sont en Dieu. Trois quoi? Ah mes amis, comme on s’est étripés entre chrétiens pour préciser trois quoi ! Ce n’est pas étonnant, car Dieu est un mystère, c’est-à-dire qu’on ne peut pas le cerner par des mots. On ne peut le cerner, mais on peut l’approcher sans cesse un peu mieux. C’est cela, un mystère. Au fil du temps, un mot a paru capable de supporter le poids que l’on mettait dans cette question : trois quoi? On a dit : trois personnes… Un seul Dieu en trois personnes. Trois personnes, trois centres de vie et de relation, trois sujets de connaissance et de volonté1, trois capacités d’aimer, c’est-à-dire de se donner soi-même et d’accueillir l’autre comme un don. À partir de la réflexion que l’Église a faite mûrir en son sein pendant 2000 ans, il me semble que l’on pourrait suggérer ainsi comment vit Dieu : le Père est la source, il est l’origine de tout don. Le Fils est accueil, il se réjouit de n’exister que par ce que donne le Père. Et l’Esprit est ce don et cet accueil eux-mêmes, qui sont sans cesse refaits, actualisés, augmentés.
Il reste une question. Qu’est-ce que nous faisons dans cette vie de Dieu ? Le Christ envoie ses disciples baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il les envoie plonger les hommes dans cette vie de Dieu. La vie chrétienne, c’est apprendre à devenir fille, fils du Père, apprendre à accepter joyeusement de dépendre de lui. Cela suppose de refuser le péché, qui finalement consiste à vivre à notre compte, selon nos vues. Refuser le péché pour entrer vraiment dans le lien d’amour de la Trinité, qui est notre vie, notre bonheur, notre paix, notre plénitude.
Cela mobilise toute la Trinité. C’est le Christ, le Fils de Dieu, qui a ouvert cette intimité par sa passion, en terrassant toutes les forces de méfiance, de découragement, d’égoïsme qui enserraient le monde à cause du diable. Et Celui qui réalise cette joyeuse dépendance d’amour au jour le jour, c’est l’Esprit Saint qui se présente sans cesse à nous. Il nous apprend à dire « Abba, Père ! », de tout l’amour de notre cœur. Il nous apprend à compter sur Dieu pour étancher notre soif d’aimer et d’être aimé.
1Boèce : «la personne est la substance individuelle d’une nature rationnelle».