homélie de la fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, 6 juin 2021
{joomplu:542} L’homme peut-il vivre sans Dieu ? Nous voyons autour de nous bien des gens en train de survivre. Et même lorsqu’ils ont beaucoup d’opportunités de profiter de la vie, comme on dit, nous les voyons survivre « en passant toute leur vie dans une situation d’esclave dans la crainte de la mort » (He 2,15). Le stress sanitaire qui nous obnubile depuis un an en est un bon révélateur.
L’homme commence à trouver la paix en se donnant lui-même, en se consacrant aux autres, à travers le mariage et la fondation d’une famille, à travers l’engagement dans une noble cause, dans la promotion de la vérité, dans la solidarité, etc. Cela donne un sens plus profond à la vie. Elle commence à valoir la peine d’être vécue. Pourquoi trouvons-nous le bonheur en nous donnant nous-mêmes, bien mieux que par toutes les autres recherche de bonheur ? Parce que c’est ainsi que nous agissons en harmonie avec ce que nous sommes au plus intime : des êtres créés à l’image de Dieu. Lui, il se donne, c’est sa nature, il est amour. Tout être humain sur la terre, créé à son image, trouve son bonheur en se donnant par amour.
Mais cet engagement pour les autres n’est pas exempt d’amertume, lorsqu’il se heurte à la véhémence du mal sous toutes ses formes. Cela peut être l’indifférence, comme on peut le vivre par exemple dans l’enseignement. Cela peut être franchement la méchanceté, la malhonnêteté, la perversité. Ou, plus insidieusement, la vanité de ceux qui ne cherchent pas le bien commun mais leur gloriole, ou tout simplement la superficialité d’un si grand nombre. Tant de sources de découragement pour la personne qui s’engage pour autrui, pour celui qui souhaite changer le monde.
Mais quelle joie pour lui lorsqu’il découvre que ce bonheur entrevu en se donnant soi-même est sauvé par Dieu, le créateur de toute vie. Nous avons commencé à être heureux en nous donnant nous-même, mais en plus nous découvrons qu’il y a un salut, qu’il y a une vie divine qui se propose à nous et qui nous rend capable de surmonter les plus grands obstacles.
Cette vie divine qui se propose d’habiter en nous, nous en avons entendu une évocation dans le récit de Moïse et du peuple hébreu. Là, l’humanité commence à vivre le bonheur que Dieu échange une parole avec nous. Et le peuple répond : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique » (Ex 24,7). Pour que l’on comprenne bien que ce n’est pas un échange de paroles superficielles, il y a ce geste du sang de l’alliance : du sang répandu à la fois sur l’autel — qui représente Dieu — et sur l’assemblée, signe d’un partage de vie, car le sang, dans l’univers biblique, c’est la vie.
Quand on continue de lire la Bible on se rend compte que ce partage de vie a été rompu bien des fois et qu’il restait incertain. C’est Jésus, le Messie, qui réalise une fois pour toutes cette union de la vie humaine et de la vie divine, en s’offrant lui-même librement pour nous. Par sa passion, la vie de Dieu, qui est la respiration de l’homme, nous est acquise. À chacun maintenant d’y entrer par lui-même, par ce qui fait son originalité la plus profonde : par sa liberté, par l’attachement de la foi.
Le sens de notre vie, nous le trouvons alors dans ce don de nous-mêmes à l’abri de toute peur, protégé de tout découragement, de toute amertume… tout cela grâce au sang de l’alliance nouvelle et éternelle, grâce à la vie de Dieu en nous, grâce au Christ qui s’est donné jusqu’au bout. Nous vivons de sa vie en accueillant son amour, par la réponse de notre amour, d’un amour plein de reconnaissance. Cela devient la pure joie d’exister, de vivre pour Dieu éternellement.