(homélie du 1er dimanche de l'Avent)

Les paroles de Jésus évoquant son retour sur terre sont surprenantes. En parlant des puissances des cieux ébranlées, des nations affolées et des hommes qui mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde (Lc 21,26), elles pourraient nous inquiéter. Pourtant ces paroles sont des paroles de bonheur, ou plus précisément : d’espérance. Elles viennent nous dire jusqu’où va le salut. Même si le monde est dans un si mauvais état que les cieux eux-mêmes sont ébranlés, que le soleil s’altère, que les éléments se déchaînent au point qu’il n’y a plus d’avenir humain possible, même si la situation est aussi désespérée nous pouvons nous redresser et relever la tête (v.28)

Cela fait partie de la nature humaine de s’inquiéter pour l’avenir. Nous nous demandons sans cesse comment telle ou telle chose va tourner, et si nous prenons la bonne décision pour notre avenir. Jusqu’il y a peu la société occidentale nous rassurait car elle nous laissait croire que tout continuerait de se passer dans une croissance indéfinie et que nous pouvions tirer des plans sur la comète. Puis il y a eu la crise, et les gens se sont affolés, surtout ceux qui avaient placé de l’argent ; une certitude nous était arrachée. Et maintenant que nous subissons des suppressions d’emploi notre inquiétude peut augmenter.

Dans notre vie personnelle aussi nous pouvons traverser des crises graves et nous inquiéter : comment vais-je en sortir, dans quel état ? Il me semble que tout est bouleversé en moi, et je ne peux plus compter sur ce que je connais, sur les certitudes que je m’étais faites...

Dans toutes ces situations l’évangile est vraiment libérateur. Il parle de l’affolement mais nous ouvre un autre chemin : redressez-vous et relevez la tête, et, pour être au diapason de ce que Dieu va faire dans votre vie, dans l’histoire du monde, « tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie » (v.34).

Je suis sûr que Dieu travaille dans le monde. Ces dernières semaines j’en ai eu l’impression très nette, même si je ne peux pas vous l’expliquer. Quel que soit le cours pénible de notre vie ou de l’histoire nous pouvons nous appuyer sur cette certitude : Dieu est là et il agit ; il prépare sa venue, l’irruption de sa lumière. Dieu accomplira sa « promesse de bonheur » (Jr 33,14).

Nous ne pensons pas que le monde va continuer indéfiniment comme il tourne aujourd’hui, nous attendons le jour du Seigneur, la venue du Fils de l’homme non plus caché dans l’humilité d’une vie d’homme mais dans la gloire. C’est le jour de la libération finale de tous les opprimés, de tous ceux qui souffrent. Le jour où est révélé le sens du monde, le sens de l’histoire, et où les hommes découvrent s’ils ont couru pour du vent ou pour ce qui valait la peine, pour ce qui disparaîtra ou pour ce qui subsistera. C’est pourquoi nous sommes invités à veiller et prier (v.36) : afin que notre sens des réalités soit affiné par notre fréquentation de Dieu, afin que notre cœur se réveille et s’engage pour ce qui vaut éternellement, dans l’amour de ceux qui nous sont donnés et de notre prochain.

La fréquentation de Dieu fait naître dans notre cœur l’espérance. Avant que la crise financière n’éclate au grand jour, le pape Benoît XVI avait préparé une encyclique dont on a peu parlé, au sujet de l’espérance. Le Christ nous sauve, disait-il, parce qu’il nous donne l’espérance, « une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent » (§1). La conviction de foi d’être personnellement aimé, définitivement, et que, quel que soit ce qui nous arrive, nous sommes attendus par cet Amour nous fait nous sentir libre (§3). Et cet espérance n’est pas seulement individuelle, car le Christ est mort pour tous. L’espérance ne transforme pas seulement mon rapport à ma propre vie mais au cours du monde. Cela donne à toute personne qui aime le Christ la responsabilité de s’engager pour tous (§28), d’être pour tous. Cette espérance nous pousse alors à veiller sur notre prochain et en même temps à apprendre comment rendre plus justes les structures du monde, en matière économique ou sociale.

Seigneur, que notre cœur ne s’alourdisse pas mais reste vif dans l’amour, porté par une joyeuse espérance !