homélie de la clôture de l’année académique à l’Institut de théologie
Nous avons{joomplu:42} fait connaissance avec le prophète Amos, qui est confronté à l’injustice socialement entretenue (Am 8,4-12). Des gens aisés font les lois pour transformer la société à leur avantage, même si le pauvre doit en souffrir, même si beaucoup doivent être exclus de la prospérité organisée. Aujourd’hui encore notre société montre cette tendance à se couper en deux part. Cela se passe au plan économique ; cela se passe entre ceux qui habitent ici de longue date et ceux qui se présentent comme réfugiés ; et s’ils sont qualifiés de réfugiés économiques, alors vraiment ils ne peuvent pas avoir part avec nous. Ce clivage a lieu aussi de façon plus subtile dans le refus de laisser une place à celui qui est considéré comme un déchet parce qu’il n’a pas été voulu ou qu’il n’est plus capable de s’assumer de façon autonome. Au jubilé des personnes handicapées, le pape François disait il y a 15 jours : « On considère qu’une personne malade ou portant un handicap ne peut pas être heureuse, parce qu’elle est incapable de mener le style de vie imposé par la culture du plaisir et du divertissement. » (homélie le 12 juin 2016) C’est un style de vie semblable que voulaient mener les contemporains d’Amos en dominant « les humbles du pays ».
Amos nous dit qu’une telle société est une société où survient la tristesse et la noirceur. C’est une société qui finit par être tenaillée par une faim intérieure. Notre société ne cherche pas davantage le Seigneur que celle d’Amos. Et à première vue on n’y a pas faim, on y voit défiler toute sorte d’images d’abondance. Mais de plus en plus notre cœur crie sa faim. On le voit dans le mécontentement grandissant. Même si pour le moment le foot nous console — mais même cette frénésie n’est-elle pas le signe d’un cœur affamé de joie, d’espérance ?
Et qu’est-ce que Dieu dit devant ce monde qui lui tourne le dos et dresse ses habitants les uns contre les autres ? À ce monde en panne Dieu ne dit pas : je vais multiplier les lois et les interdictions, je vais mettre des caméras partout pour que vous vous sentiez surveillés et qu’ainsi vous marchiez droit. Mais le Christ vient et il dit : « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » Revenez à moi ! Je vous ouvre un chemin nouveau, à vous qui avez besoin d’un médecin pour vos âmes.
Quand Dieu vient, il parle au cœur. Il dit « suis-moi » à un homme qui sait bien qu’il est pécheur, il va manger au milieu de ceux qui ne se sentent plus dignes de Dieu, non pas pour leur dire : « ce n’est pas grave, ce que vous faites », mais pour qu’ils sachent qu’il y a encore un chemin.
Aujourd’hui il y a un grand besoin de professeurs de religion et d’acteurs pastoraux qui font connaître cette démarche de Dieu envers nous dans la vie de Jésus Christ. Dieu n’abandonne pas ce monde à ses caméras de vidéo-surveillance et à tous ses règlements. Il dit : changez vos cœurs, et la lumière jaillira pour vous. Et là il y a un malentendu à lever : la miséricorde de Dieu ne fait pas dire à Dieu : vas-y, fais ce que tu veux, accueille-moi ou rejette-moi, c’est la même chose. Elle dit : je te laisse libre, alors reviens à moi ! Notre culture s’est habituée d’une mauvaise façon au pardon de Dieu : nous en avons conclu que le péché ça n’est pas si grave, et plus loin encore, que finalement Dieu n’a rien à nous dire.
Mais la miséricorde de Dieu n’ouvre pas un avenir d’indifférence, elle ouvre un avenir de lien. En dehors d’un amour échangé, nous ne comprenons pas grand-chose à la joie de croire. Elle est plutôt vague, une sorte de rassurement plus ou moins efficace. Lorsque le cœur s’ouvre à Dieu, la foi devient la joie d’un amour où nous nous engageons parce que nous sommes accueillis. Et alors le monde peut devenir meilleur.