homélie du 1er dimanche de l’Avent, 1er décembre 2013
Saint Éloi, patron des orfèvres, des forgerons, des mécaniciens, des mineurs, est aussi patron des agriculteurs. Comment cela se fait-il ? Sa vie nous l’expliquera.
Éloi naît dans une famille d’agriculteurs aisés près de Limoges, dans le sud de la France. Nous sommes en 588, il y a presque 100 ans que Clovis a été baptisé, ce qui met le tout jeune christianisme à l’aise dans le royaume des Francs. C’est le moment où les Anglais commencent à découvrir l’Évangile (Saint Colomban (521-597) au nord puis Augustin de Canterbury en 596 par le sud). Mais il y a déjà 300 ans que saint Piat a donné sa vie chez nous pour son témoignage en faveur du Christ.
La famille d’Éloi cultive elle-même ses terres, contrairement aux propriétaires d’alors qui faisaient faire leur travail par des esclaves. Mais Éloi apprend le métier d’orfèvre, et déjà il aime se rendre à l’église et écouter tout ce qu’on dit des saintes Écritures (la Bible) et de Dieu.
Il se rend dans le royaume franc, pour se mettre à Paris au service de l’orfèvre du roi Clotaire II, ce qui est déjà une fameuse promotion. Un jour le roi donne à son orfèvre la masse d’or nécessaire à la confection d’un trône. Le travail est confié à Éloi, qui pour cette masse d’or parvient à faire deux trônes, en ne prenant pas « prétexte des morsures de la lime, ou celui de la trop grande ardeur du feu ». Nous découvrons comment le métier d’orfèvre exposait celui qui le pratiquait à la tentation de détourner de l’argent, ou plutôt de l’or, en trompant les commanditaires. Cela devait être une coutume répandue, une sorte de « tout le monde le fait ». Et nous voyons Éloi vaincre cette tentation de l’enrichissement facile, bien que la culture de l’époque y poussait. Cela peut nous interpeller, lorsque nous sommes tentés d’éteindre la voix de notre conscience par un « de toute façon tout le monde le fait », ou même, « de toute façon la loi le permet » — car chez nous de plus en plus la loi permet des choses qui ne sont pas moralement bonnes.
Le roi est enthousiasmé de découvrir quelqu’un d’honnête, quelqu’un qui peut résister à la tentation de l’argent. Il fait d’Éloi son grand argentier, maître des monnaies. À 41 ans on retrouve Éloi à Marseille en train de racheter les esclaves dans le port pour leur obtenir la libération (une pratique que plusieurs ordres religieux vont continuer jusqu’à nos jours). Puis le nouveau roi, Dagobert, l’appelle à son service comme conseiller et ambassadeur.
Entre temps, la vie spirituelle d’Éloi s’approfondit. Il s’entoure d’amis avec qui il prie fréquemment, il encourage une amie, sainte Aure à fonder un monastère de femmes en plein Paris. À la mort de Dagobert, Éloi pense à devenir moine. Et le voilà à 53 ans élu évêque du diocèse de Noyon et Tournai, où il effectuera plusieurs missions jusqu’à sa mort en 660 à l’âge de 72 ans. Éloi cherche à faire connaître le Christ aux populations de nos régions encore occupées aux cultes animés par les druides. Il y parviendra avec un certain succès, mais aussi des obstacles, comme dans la région d’Anvers.
Avec lui nous côtoyons un homme doué et droit, qui aurait pu se servir de ses talents pour lui seul et son petit monde mais qui choisit de se consacrer au bien commun et au bien de Dieu. Éloi n’a pas en vue seulement sa réussite personnelle, mais la réussite du royaume de Dieu. Quand il dit « que ton règne vienne », il est bien capable de sortir de ses vues, de renoncer à des avantages immédiats, pour un plus grand bien pour tous. C’est ce qui manque à notre monde, et je vous souhaite d’être de nouveaux Éloi, de savoir associer à vos préoccupations pour votre avenir le souci de tous et le souci de Dieu. Par exemple le souci des agriculteurs du Tiers-Monde qui ne doivent pas voir leurs terres confisquées pour la monoculture de soja, par exemple le souci des travailleurs asiatiques qui produisent tout ce que nous achetons à bas prix dans nos magasins (nous pourrions demander au vendeur : comment sont produits ces biens ? Il ne pourra sans doute pas nous répondre, mais si plusieurs clients lui posent la question, cela peut commencer à faire changer les choses), par exemple le souci des pauvres de chez nous qui voudraient recevoir une autre image d’eux-mêmes que celle d’éternels assistés.
Demandons au Christ, dans notre prière quotidienne, de nous guider dans nos choix concrets et nos grands désirs, afin de préparer son retour et d’illuminer le cœur de beaucoup en rendant accessible l’amour de Dieu.