homélie du 1er dimanche de l’Avent ; 30 novembre 2014
Vers où va{joomplu:149} le monde ? Quand on interroge les jeunes on n’a pas souvent une réponse très optimiste. Ils ressentent intensément les problèmes à venir dans lesquels la course présente à la facilité et au luxe jette le monde. Peu sont prêt à défendre l’idée que le monde de demain sera meilleur, plus juste, plus fraternel. Pourtant cette idée d’un progrès a porté l’Occident depuis des siècles. Il y a bien longtemps, environ 2800 ans, quand les cultures grecque ou hindoue parlaient d’un temps cyclique où tout recommence, un petit peuple s’est mis à tenir à l’idée d’un progrès : le monde venait d’un commencement (Gn 1,1) et son histoire allait s’épanouir dans une promesse. Puis le Christ est venu, et avec lui on a vu que Dieu tenait sa promesse. Jésus lui-même a parlé de l’avenir. Il a orienté le cours de l’histoire vers son accomplissement définitif, vers la victoire du Royaume de Dieu, qui commence à être là au milieu de nous mais qui attend encore d’être achevé. Le temps n’est pas cyclique, il porte la marche de l’histoire comme un progrès vers un événement heureux, quand l’amour de Dieu sera manifeste à tous et victorieux de tout mal. De nos jours l’idée de progrès est en panne ; elle a été sécularisée par les philosophes des Lumières, qui ont pensé qu’on pouvait penser le progrès sans Dieu, mais 300 ans plus tard nous devons bien constater que sans Dieu on n’ose plus croire à un vrai progrès. Alors il est bon que les croyants puisent à nouveau dans leurs trésors, et se fassent pourvoyeurs d’espérance au milieu d’un monde désabusé.
Quelle espérance au juste ? Dans le Credo nous disons que Jésus Christ reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts. Ce sera la fin du temps. Aujourd’hui dans l’évangile (Mc 13,33) Jésus nous invite à regarder vers ce moment non pas comme vers un destin tragique mais vers quelque chose que l’on veille amoureusement. Ce sera comme le retour du maître bien-aimé après une longue absence. Est-ce que dans le catholicisme contemporain on croit encore que le Christ va revenir un jour dans la gloire ? J’ai bien l’impression que c’est très rare. On imagine que ce que Jésus dit de sa venue concerne le moment de la mort de chacun. À vrai dire c’est une contamination individualiste de la vraie espérance chrétienne, une maladie de l’espérance où finalement chacun compte tirer son épingle du jeu en quittant le défi que l’humanité relève partout dans le monde, dans les bidonvilles de Rio ou sur les pistes chaotiques du Congo. Pourtant les textes de l’Évangile sont clairs : la venue du Christ est un événement collectif, qui saisira tout le monde en même temps. Un événement d’un ordre nouveau, qui bousculera le statut de la foi. Car aujourd’hui nous sommes dans un temps où le Royaume de Dieu semble incertain ; bien des gens pensent que la question de Dieu peut être mise à l’écart assez facilement pour se préoccuper d’acheter, de vendre, de jouir de l’existence. Ce que Dieu demande a peu de poids devant l’intérêt personnel. Mais un jour nous sortirons du temps de la foi et le Fils de Dieu sera manifeste à tous, comme l’éclair qui traverse le ciel entier (Mt 24,27), et aucune volonté ne retardera plus le Royaume de Dieu.
Dans la foi chrétienne nous ne croyons pas que le monde est un éternel recommencement, mais qu’il va vers son but, et que ce but est bon à espérer pour celui qui est pauvre, pour celui qui est humble, pour celui qui se donne par amour. Nous ne sommes pas optimistes parce que nos affaires vont bien, mais parce que Dieu est bon et qu’il aime l’humanité et qu’il veut nous sauver. Il veut donner la vie, une vie en abondance, et nous en avons pour preuve que le Christ a donné sa vie pour nous sur la croix, cette vie que nous côtoyons maintenant dans l’eucharistie.
Alors, au milieu d’un monde en panne où chacun espère simplement avoir sa petite part du gâteau, nous disons : Dieu nous aime, Dieu nous invite à veiller dans l’amour, à comprendre que nous sommes confiés les uns aux autres ; Dieu nous invite tous à changer car il prépare pour tous un monde neuf et beau, un monde consolé, un monde purifié de l’injustice, où le plus profond de chacun sera comblé. En avant : que le monde nouveau se reflète déjà dans nos réactions et tout ce que nous cherchons.