homélie du 22e dimanche C, 1er septembre 2019
{joomplu:153}Jésus regarde comment nous vivons, à quoi nous utilisons le cœur qu’il nous a donné. Il remarque notre besoin de nous sentir supérieurs aux autres, un besoin qui se manifeste dans un orgueil explicite ou dans un orgueil caché : dans un orgueil explicite lorsque nous méprisons les autres, les regardons de haut, aimons étaler leurs défauts et nos réussites ; dans un orgueil caché lorsque nous nous dénigrons nous-mêmes, disant que nous sommes nuls, que nous ne valons rien, allant jusqu’à regretter ce que nous sommes, parce qu’en réalité nous regrettons de ne pas nous voir aussi élevés que nous le souhaiterions.
Pourquoi y a-t-il en nous ce besoin de nous sentir supérieurs aux autres ? C’est ce que devient notre dignité d’être créé à l’image de Dieu, lorsque nous ne cherchons plus à apprendre de Dieu ce que nous sommes. Car pour Dieu nous sommes à la fois très grands car très aimés de lui, et très petits car pécheurs et souvent enclins à nous couper de lui. Nous sommes grands par lui et petits par nous-mêmes. Mais sans Dieu nous vivons notre grandeur à l’envers. Nous considérons comme grand et valable ce que nous pouvons faire par nous-mêmes et comme petit ce qui vient de Dieu. Alors nous ne sommes plus jamais en paix. Dieu devient tout au plus un supplément d’âme pour celui qui a déjà réussi par lui-même. Tant que nous ne réussissons pas nous enrageons. Et quand nous avons réussi nous nous pavanons ou nous rêvons d’autre chose.
Pour tout remettre dans l’ordre, le Christ nous propose l’humilité1. Ici il dit : « qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » Ailleurs, il enseigne : « heureux les pauvres de cœur, le Royaume de Dieu est à eux » (Mt 5,3). « L’humilité est presque toute la doctrine chrétienne », disait saint Augustin. Elle consiste à avoir un vif sentiment de notre petitesse et de la grandeur de Dieu. Quand nous cultivons cela au milieu de toutes nos activités et dans toutes nos rencontres, elle devient une vertu, une disposition intérieure sur laquelle nous pouvons compter pour toujours bien nous situer dans la réalité. Nous pouvons nous réjouir des dons que Dieu a mis chez les autres, et aussi des dons qu’il a mis en nous. Nous pouvons estimer autrui supérieur à nous-même, et en même temps nous réjouir de ce que nous sommes par la grâce de Dieu.
La personne humble se sait petite mais cela ne l’attriste pas car elle sait qu’en elle Dieu peut faire de grandes choses et elle est déjà consciente de ce que Dieu a fait de grand en elle. La personne humble peut dire : « le Seigneur fit pour moi des merveilles » (Lc 1,49). L’humilité est vraiment nécessaire à la vie chrétienne, au chemin vers la vie éternelle, vers ces grandes choses que Dieu nous promet au point de nous dire que nous pouvons lui être tout unis, tout intimes, lui en nous et nous en lui. Par nous même nous ne pouvons pas nous élever bien haut par rapport à la grandeur de Dieu. C’est lui qui doit nous élever si nous voulons arriver à quelque chose. Et ce quelque chose est un niveau que nous ne sommes pas capables d’imaginer, comme le pressentait saint Paul lorsqu’il rendait gloire à Dieu « qui peut réaliser en nous infiniment plus que ce que nous pouvons demander ou même concevoir » (Ép 3,20).
Vous voyez qu’un esprit humble est tout le contraire d’un esprit petit. D’abord, l’humilité pousse à ne pas mépriser les dons de Dieu en nous, mais au contraire cultiver la conscience de les avoir. En cela nous mettons notre fierté. Ensuite, l’humilité et la magnanimité vont ensemble, comme les deux versants de notre marche vers les biens les meilleurs, vers ce que Dieu promet et commence à réaliser. La personne humble rêve des grandes choses de Dieu et se dispose à en jouir.
1L’humilité est une vertu typiquement chrétienne, qui n’a pas été traitée par les Grecs. Thomas l’explique ainsi : « l’humilité regarde principalement la subordination de l’homme à Dieu, à cause de qui il se soumet aussi aux autres lorsqu’il s’humilie » (IIa-IIæ, Q.161, a.1, r.5)