homélie de la fête du Christ Roi, 24 novembre 2019
{joomplu:548}En parlant du roi Baudouin, le cardinal Danneels aimait dire : « il y a des rois qui sont plus que des rois : ils sont les bergers de leur peuple. » Car ils aiment leur peuple, ils aiment chacune de leurs brebis. Et ils règnent avec leur cœur. Voilà une très belle image de la royauté du Christ. Jésus n’est pas un roi bling-bling, assoiffé de reconnaissance et d’honneurs. Il ne doit pas chercher les plus hauts postes : il est plus haut que tout, « en lui tout fut créé » (Col 1,16). Il ne doit pas défendre son pouvoir ni le faire sentir : c’est de lui que tout dépend, sur la terre comme au ciel. Il ne doit pas chercher à s’enrichir : toute richesse vient de lui.
Une fois que cela est dit, nous sommes surpris de le voir impuissant sur la croix. Comme les soldats et le larron hautain, nous voudrions dire : « si tu es le roi, sauve-toi toi-même ! » Et aussi : si tu es le roi, tire-moi de cette difficulté, sinon je ne te reconnais plus et je te mets de côté. Mais le Seigneur ignore ce genre de langage. Personne n’a jamais vu l’action de Dieu de cette manière. Jésus est roi au milieu de nous en nous prenant sur son cœur, en se faisant serviteur de notre joie, en garantissant notre avenir dans la vie éternelle. Ses brebis qui le suivent, lui le roi berger, il les libère de toute peur et il peut leur dire : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23,43). Hier avec les jeunes de la paroisse nous avons regardé un témoignage sur une jeune Italienne qui a affronté le cancer et a pu trouver la paix et la joie au milieu de la souffrance, réconfortant tous ceux qui l’approchaient. Après un combat intérieur très fort, elle a pu dire « Se lo vuoi tu, Gesù, lo voglio anch’io ! — Si toi tu le veux, Jésus, je le veux aussi ». Jésus est un roi qui sait où sont les sources de la vie et de la joie. Et plus encore, un roi qui dispose de ces sources et peut en abreuver celui qui vient à lui. Voilà pourquoi chacun de nous fait bien de prendre le Christ pour son roi, et de dire comme les saints : ce que tu veux, Jésus, je le veux aussi.
Il y a encore une chose à dire sur cette fête du Christ roi de l’univers. On ne veut pas seulement dire que le Christ est roi de notre cœur, mais aussi qu’il est un roi de vie pour tous. Son Évangile n’est pas un obstacle à la construction d’une société meilleure, au « vivre-ensemble » comme on dit maintenant. Au contraire, il est une aide, et vouloir chasser la religion de l’espace public ne prépare pas la paix mais la discorde. On ne compte plus les chrétiens qui se sont engagés pour un monde meilleur et ont réussi à construire des associations et des mouvements où l’intérêt personnel passait le plus souvent au second plan. Bien sûr, personne n’est parfait dans l’Église, mais on peut dire que l’Évangile est une force de purification qui a permis de servir véritablement les pauvres, les exclus, les malades, et tant d’autres personnes menacées. On ne peut pas construire une société qui serait la combinaison la plus astucieuse possible des exigences et des intérêts individuels de chacun. On ne peut faire vivre les écoles, les entreprises, les groupes de toute sorte et les familles qu’avec la visée du Christ Roi : notre vraie grandeur et notre bonheur se trouvent en se mettant au service des autres. C’est là qu’est la vraie vie. Le bonheur de posséder suffisamment de biens et de pouvoir pour n’en faire qu’à sa tête est une satisfaction vide. Tandis que celui dont le pouvoir est dans un amour concret de son prochain — l’amour comme Dieu le veut, l’amour dont Dieu donne lui-même la force —, celui-là sera heureux. Ailleurs il n’y a qu’amertume, revendication, mécontentement inapaisable. Mais en toi, Seigneur, nous trouvons la source de la joie et de la vie.