homélie du 24e dimanche C, 11 septembre 2022
{joomplu:558} En entendant la lecture de l’Exode (Ex 32), nous avons pu être choqués par cette façon de présenter un Dieu qui décrète des punitions et menace de les exécuter… personne ne voudrait d’un père pareil. Pour un peu, nous donnerions raison à Voltaire quand il dit : « si Dieu a créé l’homme a son image, nous le lui avons bien rendu. » C’est au point que certains dès l’Antiquité ont imaginé qu’il y avait 2 dieux, un dieu dur dans l’Ancien Testament et un Dieu bon dans le Nouveau. Ça ne marche pas fort, car on lit aussi dans l’AT des choses comme « Dieu de tendresse et de pitié » (dans le même livre, Ex 34,6). Donc il faut essayer de comprendre autrement, pas parce que telle ou telle phrase nous gêne mais parce que nous cherchons un visage cohérent de Dieu.
Ces textes nous disent quelque chose de plus profond. Ils expriment à quel point Dieu est le Dieu de vie, et que s’en écarter ou lui tourner le dos nous fait perdre la source de la vie et du bonheur. Sans Dieu nous ne pouvons pas vivre… Vous me direz peut-être « Il ne faut pas exagérer… ». Mais c’est parce que si souvent nous nous contentons de si peu de vie en nous. Quand en nous nous sommes vides, nous nous mettons à chercher la vie dans des divertissements. Mais qu’est-ce que la vie que nous trouvons dans le divertissement ? C’est bien le signe que sans Dieu nous ne pouvons pas vivre. Parce que Dieu a tant à nous donner ! Parce que nous sommes faits pour tellement plus ! Voilà le sens profond de ces passages où Dieu menace de mort celui qui s’écarte de lui. Autrement dit, la scène où Dieu menace d’exterminer son peuple nous avertit que sans son Dieu le peuple est comme exterminé.
Mais alors, pourquoi présenter Dieu comme acteur de ce genre de représailles ? C’est très dérangeant. Ne pourrait-on pas plutôt décrire ces choses comme une sorte de loi de la nature spirituelle, en disant ce que je viens de dire sans mouiller Dieu dans cette privation de vie ? Il y a tant de passages où Dieu semble l’auteur de l’endurcissement et de la mort, comme aussi quand on dit que le Seigneur endurcit le cœur de pharaon qui refuse aux Hébreux de partir d’Égypte…
Il faut drôlement fort aimer Dieu et n’avoir aucun soupçon envers lui pour oser ainsi paraître désigner Dieu comme acteur du mal. La Bible compte que nous le ferons, que nous honorerons suffisamment Dieu pour ne pas le croire littéralement capable de mal, pour ne pas l’accuser de ces mauvaises intentions. Comment comprendre alors ? Présenter Dieu comme auteur du mal qui menace suggère que la solution à ce mal est aussi en Dieu. Combien de fois ne le voit-on pas se raviser ? Ce n’est pas qu’ici que Dieu « renonce au mal qu’il avait voulu faire à son peuple », mais en de nombreux endroits des Écritures (Jonas 3,10 ; 2 S 24,16 ; Ps 106,45 ; Jr 16,13 ; Jl 2,13). Ce n’est pas nous tout seuls qui sommes capables d’inverser le cours des choses. Ce n’est pas l’homme qui est maître de son chemin spirituel. Qu’il apprenne à dépendre vraiment de Dieu ! Trop souvent nous disons au Seigneur des choses comme « je vais me convertir pour que tu puisses m’aimer… » « Si j’étais plus saint, le Seigneur pourrait m’aimer davantage… » Finalement, nous lui disons : « Attends que nous nous soyons rendus dignes de toi ! » La Bible nous apprend à ne pas parler ainsi à Dieu, mais plutôt, à lui demander de faire le premier pas : « Pourquoi ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple ? » « ravise-toi par égard pour tes serviteurs ! », demande le psaume (Ps 89,13). « Fais-nous revenir, et nous serons sauvés ! » (Ps 80).
Finalement, présenter un Dieu qui menace d’exterminer son peuple nous dit que sans lui nous ne pouvons pas vivre et que c’est lui qui a le pouvoir de nous redonner cet accès à sa vie. Jésus confirme cette interprétation par son attitude envers les pécheurs. Il est Dieu courant à la recherche de celui qui lui a dit « zut ! » pour le rétablir dans son amitié. Il est Dieu donnant sa vie pour chaque être humain afin de le faire vivre de la vie divine, dès maintenant.
Il y a 32 ans j’ai été touché par cette vie divine et j’ai découvert que l’amour du Seigneur était en moi une paix, une joie, une force sans pareilles. J’ai cherché quelques années comment partager au mieux cet amour, et finalement c’est devenu clair que, bien que le mariage m’attirait beaucoup, la vie de prêtre tout donné à Jésus dans le célibat sacerdotal rassemblait mes aspirations les plus fortes. C’était l’appel, avec, lors d’une messe à laquelle je participais, cette conviction intérieure très claire : un jour tu donneras Jésus comme ce prêtre. 25 ans après mon ordination, je rends grâce au Seigneur de tout mon cœur pour sa fidélité envers moi. Il m’a permis de le servir et il m’a fait aussi beaucoup grandir. Cela ne s’est pas passé sans souffrances. Il y a eu quelques douleurs d’enfantement intérieur. C’est la loi de la vie, il ne faut pas avoir peur de la souffrance, mais la traverser avec Dieu. Je suis plein de reconnaissance.