Toussaint 2012
Comment être heureux sur ce chemin des Béatitudes (Mt 5) ? Ce n’est pas ainsi que les hommes cherchent en général leur bonheur.
C’est donc que le bonheur vient d’ailleurs que de nos propres mains. Ce n’est pas nous qui nous donnons le bonheur, il vient de Dieu, dès maintenant par la foi, et plus tard dans la claire vision.
Un bonheur intérieur. Qui jaillit du cœur parce que je fais ce pour quoi je suis fait : disponibilité du cœur de pauvre, douceur qui ouvre à l’amour, combat pour la justice quoi qu’il m’en coûte, amour de la vérité…
Voila pour nous un véritable changement de perspective : une conversion au bonheur de Dieu. Car le bonheur de Dieu n’est pas une extension de nos loisirs actuels. Il est une joie plus profonde.
Cette conversion est une préparation à la vie éternelle, aux choses qui continuent hors du temps. Pourtant nous tous nous consacrons tant d’énergie à des choses qui finiront (tant d’exemples). Je ne parle même pas de cette civilisation de loisirs inutiles qui nous envahit et nous distrait de l’essentiel. Mais de tout le travail nécessaire pour que nous accomplissions notre mission dans le monde, notre mission de transmettre à ceux qui nous suivent un monde beau, vivable, meilleur.
Que d’énergie pour ce qui ne durera pas !
Mais c’est notre vie dans le temps.
Nous attendons impatiemment la fin du temps. Quand il n’y aura plus de temps, qu’on ne devra plus dire : je n’ai pas le temps de venir te voir, etc. On parle souvent de la fin du monde, mais dans la foi chrétienne il s’agit plutôt de la fin du temps, quand il n’y a plus de temps. Pour nous existe la fin du temps mais pas la fin du monde.
Parler de l’éternité cela fait peur, car on pense à un temps long. Pourtant ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais d’une situation où le temps n’existe plus, n’est plus une limite, une contrainte qui s’impose aux élans de notre cœur.
Le Ciel, c’est l’état où il n’y a plus de contraintes aux élans de notre cœur (je pense aux élans justes, pas à ces élans possessifs et captateurs qui détournent les personnes au service de nos besoins). Le ciel est vraiment le pays de l’amour roi. Et il faut nous y préparer sinon nous nous sentirons vraiment bêtes devant la vie du paradis.
Un coeur tout d’un bloc
messe d’action de grâce à Louvain-la-Neuve. 22e dimanche B
Aujourd’hui Jésus reproche aux pharisiens d’avoir annulé la Parole de Dieu pour la remplacer par leurs propres manières de faire, et d’avoir décrété que c’est ce que Dieu aimait. Ils sont gonflés, les pharisiens ! Comment avaient-ils pu penser qu’ils pourraient amadouer Dieu par quelques petits rites en oubliant l’essentiel de ce que Dieu demandait : la justice, l’amour et la vérité ? Cela semble hallucinant, mais nous découvrons là un danger pour tout être humain : avoir un cœur à plusieurs étages, ou un visage double ; essayer de paraître d’une certaine façon devant les autres et devant Dieu, et entretenir en soi des pensées et des projets tout autres. Je ne parle pas des tentations, comme lorsque nous essayons d’être poli avec quelqu’un qui nous gonfle et que nous sommes tentés de l’envoyer promener… Ce n’est pas cela l’hypocrisie, mais bien cet art de nous mentir à nous-mêmes et de nous cacher ce que nous cherchons vraiment.
Marie dans la vie du disciple
homélie de l’Assomption 2012
{joomplu:168}Je voudrais m’attarder d’abord avec vous sur cette pratique des catholiques qui consiste à invoquer les saints. Elle est devenue plus marginale, elle est parfois suspecte, et pourtant elle est très belle. Le chemin de la foi est un chemin difficile. Il doit progresser au milieu de nombreux obstacles : toutes nos réticences intérieures, nos inconstances, nos refus ; sans compter toutes les menaces pour la foi qui proviennent du monde dans lequel nous évoluons. Le chemin de la foi est difficile et nous avons besoin d’amis pour le parcourir. Il y a souvent les amis croyants, mais plus sûrement encore les saints sont nos amis. Ils ont remporté beaucoup de médailles aux jeux olympiques de la foi et ils voudraient que nous puissions faire de même. Alors ils se proposent d’être nos entraîneurs sur le chemin de la foi. Nous ne devrions pas les invoquer comme des substituts du Christ ou du Père ou de l’Esprit, mais comme des amis nécessaires dans notre vie de disciple.
Les voies du Seigneur
J’ai envie de vous partager comment je vis la nouvelle de mon départ, car je voudrais vous communiquer une part de ma confiance pour l’avenir.
À vrai dire cela fait pratiquement 5 ans que je m’apprête à vous parler ainsi, puisqu’un prêtre, lorsqu’il est dans une paroisse depuis 7 ou 8 ans, sait bien que chaque année qui vient en plus est un cadeau inattendu. Alors j’ai bénéficié de bien des cadeaux, et je suis très reconnaissant à mon évêque de m’avoir laissé longtemps avec vous. Nous fêtons saint Jean-Baptiste. Une des phrases de lui que j’aime beaucoup est au sujet de Jésus : « il faut qu’il croisse et que je diminue » (Jn 3,29-30). Tout prêtre est une sorte de Jean-Baptiste, ami de l’Époux qui est Jésus ; il conduit à Jésus, il dit : « voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Il le fait avec tout son être, et c’est le sens de ce très beau célibat sacerdotal que de permettre au prêtre de montrer Jésus avec tout son être. Mais vient le moment où il doit diminuer, pour que croisse encore l’attachement à Jésus seul qu’il a voulu susciter. C’est pourquoi il part accomplir sa mission ailleurs. Et depuis saint Paul ces départs sont douloureux ; c’est une constante de la vie de l’Église. Car notre vie est orientée vers la vie éternelle, où nous aurons tout le temps d’être ensemble.
Connaître Dieu, le vivre, le donner
Homélie de la Sainte Trinité
{joomplu:142}Nous, l’Église du Christ, nous avons une expertise bien particulière : nous pouvons connaître Dieu. Je ne dis pas que d’autres ne peuvent pas le connaître, mais à nous il est dit, dans l’héritage du peuple hébreu : « Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu et soit resté en vie ? » (Dt 4,32)
Que peut-on connaître ? Cette question a habité les philosophes depuis qu’il y en a. Et il y a eu toute une diversité d’opinions. Sur quoi pouvons-nous avoir une connaissance certaine ? Au long de l’histoire le champ de la connaissance jugée pertinente s’est considérablement restreint. À notre époque nous avons presque tous tendance à croire que la connaissance utile se limite à la connaissance scientifique et technique : la connaissance qui nous explique le fonctionnement des processus physiques et biologiques et qui nous permet d’en tirer parti par la technologie et la médecine. Il y a quelques dissidents philosophes, ou dans le domaine des médecines parallèles… et il y a nous ! Nous qui dans le cœur de l’Église recevons cet encouragement : nous pouvons connaître Dieu, savoir qui il est, sa façon de nous regarder, ce qu’il a voulu en concevant le monde, ce qu’il demande à chacun. Nous pouvons connaître Dieu, mais d’une manière si différente que nous connaîtrions un objet technologique. Car si nous cherchons à connaître Dieu ce n’est pas pour savoir ce que nous pourrions en tirer ! C’est pour apprendre comment il nous aime, et comment l’aimer.
en direct du monde nouveau
homélie du 3e dimanche de Pâques
La résurrection du Christ d’entre les morts est parfois présentée comme une expérience subjective des disciples, un événement qui se passait dans leur cœur mais pas dans le fil historique du monde. À l’appui de cette théorie on peut invoquer le phénomène étrange de la discordance des récits des apparitions de Jésus à ses disciples. Les récits ne racontent pas les mêmes événements. Et pourtant ils concordent sur plusieurs points fondamentaux : le Jésus ressuscité est vraiment le Jésus crucifié, bien qu’en même temps tous peinent à le reconnaître. On peut le toucher et en même temps on ne le touche pas. Chaque fois les disciples sont réticents à admettre la présence réelle de Jésus.
Une vie nouvelle
homélie du jour de Pâques
{joomplu:1}Aujourd’hui je dirai un mot sur chacune des lectures. Dans les Actes des Apôtres nous constatons ce curieux rapprochement entre « juger » et “donner le pardon”. Pierre peut à la fois dire de Jésus que « Dieu l’a choisi comme Juge des vivants et des morts » et que « tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés » (Ac 10,42-43). Juger et pardonner sont deux notions qui dans la culture contemporaine s’opposent, mais qui communiquent l’une avec l’autre dans la Bible. Ce n’est pas « ou bien Dieu me juge ou bien il me pardonne » mais plutôt qu’il me pardonne parce qu’il peut me juger, parce qu’il discerne en moi ce qui doit être pardonné — et que je l’accepte aussi. Dans la Bible le jugement n’exclut pas, il ne condamne pas mais il est destiné à justifier, c’est-à-dire à purifier. Le jugement est comme une disqualification du mal, qui ouvre celui qui l’accepte à un avenir.
Cette acceptation, c’est la foi dont parle Pierre. C’est la foi qui fait passer du jugement au pardon, parce que la foi est accueil du Christ qui seul peut purifier nos êtres. Que le Seigneur nous aide à comprendre à quelle profondeur il désire nous restaurer !
Vivre la souffrance de la maladie
messe du lundi saint — Onction des malades
La personne qui souffre voit rapidement monter une question en elle, toujours la même : pourquoi ? Spontanément elle l’adresse à Dieu, qui semble être le plus à même d’expliquer l’inexplicable. Par ailleurs, Jésus a toujours refusé de donner des explications à la souffrance1. Il a guéri les malades qu’il rencontrait, dans de vrais miracles qui soutenaient son enseignement, son annonce de l’amour du Père et de la venue du Royaume. C’est à cause de ces miracles manifestes que tous couraient à lui bien plus qu’à un autre thaumaturge, au point « que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville » (Mc 1,45 ; Mt 9,35 ; Mt 14,35). Et aux pharisiens qui ne voulaient pas croire sa parole il pouvait dire : « quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres, afin que vous connaissiez et que vous sachiez bien que le Père est en moi comme je suis dans le Père. » (Jn 10,38)
La reconnaissance fait goûter l’amour
homélie du Vendredi Saint
Au début de cette année j’étais très désolé au sujet de l’état de l’Église. À l’intérieur il y avait tous ces contre-témoignage de chrétiens, ces péchés terribles de la part de quelques prêtres, et aussi une érosion du sens de Dieu à laquelle nous sommes tous exposés. À l’extérieur il y avait cette hostilité envers l’Église, très dure bien qu’elle dise rarement son nom. J’étais fatigué de voir la plupart des interventions de l’Église tournées en ridicule, ses positions incomprises ou refusées a priori, alors qu’elle veut apporter au monde un sens de l’homme vraiment nécessaire et utile. Et puis je pensais à l’effondrement du nombre de prêtres, à la tâche surhumaine qui nous attend et en même temps à la fausseté des remèdes bateau qu’on nous propose souvent pour y remédier et que d’autres Églises ont essayé depuis longtemps sans que cela les préserve de la crise.
Et je me disais: avec quelles forces l’Église peut-elle annoncer le Royaume? Comment peut-elle remplir sa mission en faveur des hommes? Qu’est-ce qui est en train de se passer?
Venir à la rencontre du Sauveur
homélie du 4ème dimanche de carême
{joomplu:154}Parfois on se reproche de revenir à Dieu quand ça va mal alors qu’on l’avait laissé de côté dans les beaux jours. Mais il ne faut pas s’empêcher pour cela de venir prier, de venir demander. Dieu sait bien que notre cœur est ainsi blessé par un aveuglement ou une mauvaise volonté. Il le sait, il le voit depuis des milliers d’années, il en a souffert avec son peuple (voir la première lecture, 2Ch 36). Et il ne s’amuse pas à faire des reproches. Il dit simplement : viens et moi je te purifierai. (Is 1,18 : Venez donc et discutons, dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront comme la neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine.)
C’est comme sauveur que Dieu vient. Et nous commençons à apprécier cela lorsque nous traversons l’épreuve. Épreuve de la vie, ou épreuve due à nos péchés, ou les deux à la fois …
Le drame du cœur du Père
homélie du deuxième dimanche de carême 2012
{joomplu:161}L’histoire du sacrifice d’Isaac (Gn 22, 1-18) est quelque chose qui surprend beaucoup les hommes et les femmes modernes que nous sommes. Le fond de cette histoire est qu’Abraham continue de craindre Dieu tout au long de sa vie, même comblé de biens. Craindre Dieu ce n’est pas avoir peur de lui, craindre Dieu c’est le considérer comme ce qu’il est, c’est-à-dire Dieu, c’est-à-dire le centre de notre vie. Assez souvent nous faisons de bien d’autres choses le centre de notre vie. Je ne parle même pas des futilités, lorsque nous pensons à acheter un téléviseur super large, le dernier Iphone, etc., non, je parle même des choses légitimes dont nous serions tentés de faire le centre de notre vie : fonder une famille, avoir des enfants, avoir une maison, une bonne santé, etc. Naturellement nous aurons tendance à faire de ces choses très belles et très légitimes le centre de notre vie. L’histoire d’Abraham nous rappelle que le centre de la vie c’est Dieu. Cela nous surprend car Dieu est tellement impalpable. Mais nous avons ce témoignage à rendre — à nous-mêmes et au milieu de notre monde — que le centre de la vie c’est bien sûr en partie toutes les belles choses que j’ai énumérées mais plus fort encore, c’est celui qu’on ne voit pas, qui est l’auteur de tout, c’est Dieu. Et cela vaut la peine de s’attacher à lui. Avoir le cœur uni à Dieu, c’est plus important que tout, même qu’avoir des enfants. Voilà ce que l’histoire du père des croyants vient nous rappeler, et ainsi nous découvrons ce grand bonheur accessible vraiment à tous. Oui, le bonheur d’Abraham est pour tous.